Pour dénoncer la discrimination contre les femmes en Iran, la championne de taekwondo Kimia Alizadeh ne veut plus défendre les couleur de son pays.
Même une championne d’arts martiaux peut être victime d’oppression et de persécution. L’athlète iranienne Kimia Alizadeh ne le sait que trop bien. En 2016, à Rio de Janeiro, elle écrit l’histoire en devenant la première femme iranienne à décrocher une médaille aux Jeux olympiques.
Mais de retour en Iran, le quotidien reprend son cours dans un pays où la vie des femmes est largement dictée par des lois contraignantes.
Kimia Alizadeh continue, malgré tout. Elle participe à de nombreuses compétitions internationales, lui valant même en 2019 de figurer sur la liste des 100 femmes les plus influentes du monde établi par la BBC.
Mais désormais, à 21 ans, la championne de taekwondo ans veut prendre un virage pour sa carrière et pour ne pas avoir à subir les lois de la République islamique.
Une annonce sur Instagram
Kimia Alizadeh décide donc de quitter l’Iran en dénonçant le sexisme de la part des officiels iraniens. Elle refuse de porter le hijab, obligatoire pour les femmes en Iran. C’est sur le réseau social Instagram que l’athlète annonce le 12 janvier dernier qu’elle ne veut plus faire partie de "l’hypocrisie, les mensonges, l’injustice et la flatterie" et qu’elle ne comptait plus être "l’une des millions de femmes oppressées en Iran."
Depuis qu’elle a quitté son pays, Kimia Alizadeh a vécu aux
Pays-Bas et en Allemagne avec un visa touristique. Elle a récemment confirmé
qu’elle avait obtenu le droit de rester en Allemagne et de suivre ses
entraînements.
La suite et la durée de son droit de séjour restent néanmoins incertains. "Nous n’avons pas le droit de partager ces détails", explique-t-elle.
Lors d’une interview, l’Iranienne a concédé que sa défection vis-à-vis de son pays pouvait sérieusement limiter ses opportunités de participer à des compétitions professionnelles pendant les années à venir. Elle assure néanmoins que ce risque a toujours fait partie de son calcul.
"J’ai à peine 21 ans et pourrai participer à des tournois internationaux et à de futures olympiades" dit-elle, en ajoutant qu’elle ne se voit plus défendre les couleurs de la République islamique.
Ses espoirs pour le futur
Pour participer aux Jeux olympiques et représenter un autre pays que l’Iran, Kimia Alizadeh doit obtenir une nouvelle nationalité, ce qui implique généralement de longues procédures pouvant durer plusieurs années.
Les autorités ne font que très rarement des exceptions en la matière. En Allemagne, une naturalisation n’est généralement possible qu’après huit années de résidence légale dans le pays.
En attendant, Kimia Alizadeh est en contact avec des associations de taekwondo en Allemagne. "Si le gouvernement allemand m’aide et me permet de passer ces étapes le plus vite possible, je pourrai peut-être aussi encore aller aux Jeux", explique-t-elle. "Je n’ai pas d’autres objectifs que de pratiquer le taekwondo et de mener une vie heureuse, en santé et en sécurité."
Les athlètes iraniens font défection
Plusieurs athlètes iraniens ont quitté leur pays ces dernières années, mettant en lumière leurs frustrations vis-à-vis du régime. Le mois dernier, la fédération iranienne d’échecs a annoncé que Alireza Firouzja avait décidé de ne plus jouer pour le pays pour protester contre l’interdiction de jouer contre des compétiteurs israéliens.
Quelques mois plus tôt, c’est l’ancien champion du monde de judo iranien Saeed Mollaei qui annonçait son départ de la sélection iranienne pour les mêmes raisons. Enfin, l’arbitre international de football Alireza Faghani a fui l’Iran l’année dernière pour aller vivre en Australie.
Cette tendance connait néanmoins peu d’écho en Iran. Les médias contrôlés par l’Etat rapportent les défections mais ne mentionnent pas leurs motivations. Les médias iraniens sont seulement autorisés à entrer dans les détails si le gouvernement veut présenter une défection comme un scandale.
'Une enfant de l’Iran'
Kimia Alizadeh affirme que les autorités contrôlaient ses moindres faits et gestes et avaient la mainmise sur sa carrière. "Ils m’emmenaient où ils voulaient. Je devais porter ce qu’ils me disaient de porter. Je répétais chaque phrase qu’on m’ordonnait de dire. Dès qu’ils voyaient que j’étais en forme, ils m’exploitaient", écrit-elle dans sa publication sur Instagram, insistant sur la souffrance que la structure patriarcale inflige aux femmes en Iran.
Malgré cette oppression et les abus dont elle et tant de femme sont été victimes, Kimia Alizadeh explique qu’elle restera pour toujours "une enfant de l’Iran, peu importe où" elle se trouve et même si un jour elle venait à représenter un autre drapeau en compétition de taekwondo.
avec dpa, SID, DW
Traduction et adaptation : Marco Wolter