Les enquêteurs autour du camion où 39 cadavres de migrants vietnamiens ont été découverts à Grays, au Royaume-Uni, en 2019. Crédit : capture d'écran YouTube
Les enquêteurs autour du camion où 39 cadavres de migrants vietnamiens ont été découverts à Grays, au Royaume-Uni, en 2019. Crédit : capture d'écran YouTube

Un procès va se tenir en octobre au tribunal correctionnel de Paris contre 19 suspects dans l'affaire du "camion de l'horreur". Les inculpés seront jugés pour une série de délits en lien avec la découverte en Angleterre de 39 migrants vietnamiens morts asphyxiés à l'arrière d'un camion, en octobre 2019. En revanche, aucun d'eux ne sera poursuivi pour "traite d'êtres humains en bande organisée".

Trois ans et demi après la découverte en Angleterre de 39 cadavres à l’arrière d’un camion, la justice française se penche à son tour sur le dossier. À la suite d'une décision rendue par deux juges d’instruction le 23 mai, 19 suspects vont comparaître devant la 33e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 17 octobre au 10 novembre prochains, a appris InfoMigrants de source judiciaire.

Les suspects, âgés de 21 à 58 ans, de nationalité vietnamienne, française, chinoise, algérienne ou marocaine, seront jugés pour une série de délits en lien avec un vaste réseau d'immigration clandestine du Vietnam vers l'Europe.

Le 23 octobre 2019, 39 migrants vietnamiens - dont les plus jeunes avaient 15 ans – ont été retrouvés morts d'asphyxie et d'hyperthermie dans l'espace confiné d’un conteneur, alors qu'ils étaient transportés vers le Royaume-Uni. La découverte macabre a eu lieu à Grays, dans une zone industrielle de l’est de Londres.

La veille, les victimes étaient montées dans une remorque dans le nord de la France qui avait ensuite été transportée jusqu'au port belge de Zeebruges, pour traverser la Manche, avant d'être prise en charge en Angleterre par un autre transporteur.

"Marchandises" ou "poulets"

À l'issue d'investigations transnationales, les enquêteurs français ont conclu que les 19 suspects - dont six sont en détention provisoire - étaient chargés de l'organisation du transport des victimes et de l'hébergement temporaire des personnes migrantes en région parisienne.

D'après des interceptions téléphoniques, ces hommes désignaient les exilés par les termes de "marchandises" ou de "poulets". Ils seront tous jugés pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France, commis en bande organisée, ainsi que pour association de malfaiteurs en vue de la commission de délits, punis de 10 ans d'emprisonnement.

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Quatre d'entre eux seront en outre jugés pour "homicides involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité".

En revanche, un non-lieu a été prononcé concernant les poursuites pour traite d'êtres humains en bande organisée, infraction criminelle faisant encourir 20 ans.

D'autres condamnations dans différents pays européens

Outre la France, des procédures judiciaires ont été menées au Royaume-Uni, au Vietnam et en Belgique. En mars 2022, un ressortissant roumain de 28 ans a été condamné à trois ans et dix mois de prison par la cour de l’Old Bailey, à Londres. Il était chargé de récupérer en Angleterre les migrants vietnamiens et de les faire monter dans sa camionnette. Il avait fui quelques heures après la découverte des corps avant d'être arrêté en juin 2021 en Italie, puis extradé vers le Royaume-Uni.

Cette condamnation suit celle prononcée en janvier 2022 contre un Vietnamien de 45 ans, Vo Van Hong. Reconnu coupable par la justice belge d'avoir dirigé "une organisation criminelle", il avait écopé d'une peine de 15 ans de prison et d'une amende de près d'un million d'euros. Le trafiquant avait permis le passage clandestin vers le Royaume-Uni d'un total de "115 personnes", identifiées entre septembre 2018 et mai 2020, date de son arrestation.

Cette tragédie avait suscité une émotion planétaire. Le frère d'une victime avait raconté à l'AFP que sa sœur, Pham Thi Tra My, 26 ans, avait envoyé un message sur le téléphone de sa mère expliquant qu'elle ne pouvait "plus respirer", qu'elle était "en train de mourir".

Nombre des victimes étaient originaires d'une région pauvre du centre du Vietnam, où les familles s'endettent pour des milliers de dollars afin d'envoyer l'un des leurs au Royaume-Uni.

Pour rejoindre le pays, les candidats à l'exil "vendent tout ce qu'ils ont", "maisons", "terrains", "petites exploitations agricoles", expliquait quelques semaines après le drame Georges Blanchard, fondateur de l’ONG Alliance Anti Trafic, sur RFI

 

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