En Libye, les migrants se retrouvent souvent aux mains de trafiquants qui peuvent totalement décider de leur sort. Image d'illustration. Crédit : Reuters
En Libye, les migrants se retrouvent souvent aux mains de trafiquants qui peuvent totalement décider de leur sort. Image d'illustration. Crédit : Reuters

Le gouvernement libyen basé à Tripoli a indiqué, mardi, que l'opération visant des réseaux de trafiquants d'êtres humains et de drogues dans les alentours de Zaouïa allait se poursuivre. Le Parlement basé dans l'est du pays et autorité rivale de Tripoli a dénoncé l'opération, la qualifiant de "règlement de comptes politiques". Plusieurs ambassades étrangères ont, elles, estimé que l'opération mettait en danger des civils.

L'opération se poursuivra malgré les critiques. Mardi 30 mai, le gouvernement libyen basé à Tripoli a annoncé la poursuite d'une opération visant des réseaux de trafiquants dans l'ouest du pays. "L'opération sécuritaire se poursuivra jusqu'à la réalisation de ses objectifs", a affirmé dans un communiqué le ministère de la Défense relevant du gouvernement de Tripoli reconnu par l'ONU.

Jeudi, le ministère avait annoncé avoir lancé des frappes aériennes contre des "caches de bandes de trafiquants de carburants, de stupéfiants et d'êtres humains dans la région du littoral occidental", dans les alentours de la ville de Zaouïa.

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Dans son communiqué de mardi, le ministère a affirmé que "la première phase" de cette opération avait été menée "avec succès" et qu'elle avait "permis de détruire sept bateaux de trafic de migrants, six dépôts de trafiquants de drogue (...) et neuf camions-citernes utilisés pour la contrebande de carburant".

"Règlement de comptes politiques"

Les autorités de l'est du pays ont dénoncé les frappes contre Zaouïa, les qualifiant d'opération de "règlement de comptes politiques plutôt que de lutte contre des trafiquants comme le prétend" le gouvernement de Tripoli. Le gouvernement de Tripoli et le Parlement de l'est, deux camps rivaux, se disputent le pouvoir sur fond de chaos sécuritaire depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

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Des représentations étrangères ont également réagi à l'opération. L'ambassade des États-Unis à Tripoli s'est dite lundi "préoccupée par le recours d'armes dans des secteurs où se trouvent des civils et le risque d'escalade de la violence". "Les dirigeants libyens doivent faire leur possible pour désamorcer (la situation) et protéger les civils", a ajouté la représentation diplomatique. Londres, de son côté, a jugé "inacceptable" le recours aux armes qui "mettent en danger la vie des civils", appelant "à la désescalade toutes les personnes impliquées".

Le ministère de la Défense libyen s'est défendu de mettre en danger la vie de civils, soulignant la "précision" de ses frappes et affirmant respecter "toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils". Il a appelé les citoyens "à coopérer avec les forces armées et à s'éloigner des sites suspects", en annonçant une "nouvelle phase" de cette opération.

Un environnement propice aux trafics

De nombreux trafics prospèrent en Libye dans un environnement violent. Les migrants en sont les premières victimes. InfoMigrants a récolté de nombreux témoignages d'exilés ayant été réduits en esclavage dans le pays ou bien emprisonnés arbitrairement puis torturés pour extorquer une rançon à leur famille.


Dans un rapport publié fin mars, la mission d'enquête sur la situation des droits humains en Libye de l'ONU, avait confirmé la pratique de l'esclavage sexuel pour exploiter les migrants, notamment dans les prisons du pays. "Il y a des raisons de croire qu'un large éventail de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité ont été commis par les forces de sécurité de l'État et les milices armées", avait déclaré le chef de la mission, Mohamed Auajjar, dans un communiqué.

Le groupe d'étude avait documenté et constaté de nombreux cas de détentions arbitraires, de meurtres, de torture, de viols, d'esclavage sexuel, d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, confirmant que ces pratiques étaient largement répandues en Libye.

En août 2022, un rapport de l'Organisation international pour les migrations (OIM) estimait que près de 680 000 migrants, de plus de 41 nationalités différentes, se trouvaient en Libye. La plupart étaient originaires du Niger, d'Égypte, du Soudan, du Tchad et du Nigeria.

 

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