L'entrée du foyer de Médenine, en Tunisie. Crédit : InfoMigrants
L'entrée du foyer de Médenine, en Tunisie. Crédit : InfoMigrants

Sur les 40 migrants du Sarost 5 accueillis dans un foyer de Médenine, en Tunisie, près de la moitié auraient aujourd'hui quitté les lieux. En cause, l’isolement, des conditions alimentaires et sanitaires déplorables, selon eux.

Près de la moitié des migrants du Sarost 5 ont quitté leur foyer de Médenine, dans le sud de la Tunisie. Après un mois passé dans le centre géré par le Croissant-Rouge tunisien, une vingtaine d’occupants se sont évanouis dans la nature.

"Je suis allé à Tunis", explique l’un d’eux, Samuel*, contacté par InfoMigrants. "Là-bas [à Médenine], nous étions livrés à nous-mêmes". Samuel et ses compagnons d’infortune se plaignent depuis leur arrivée de conditions de vie difficiles. Outre les locaux en mauvais(e) état et de rares visites de médecin, Samuel s’inquiétait des portions de nourriture livrées en quantité insuffisante, selon lui.

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"J’avais un kilo de riz, une boite de tomates, deux boîtes de sardine et de l’huile, pour la semaine. Je suis un adulte, ce genre de quantité suffit pour une seule journée et deux repas", se plaint-il. L’Organisation internationale des migrations (OIM), en charge de l’intendance des lieux, dément le manque de nourriture. "Nous fournissons des quantités de nourriture importante", affirme-t-on.

Comportement raciste

Samuel regrette aussi les comportements racistes – qui sont légion contre les populations africaines en Tunisie. "Quand nous sommes arrivés au centre, une femme nous a aspergés de parfum", raconte-t-il. "Beaucoup de personnes se sont énervées contre elle, beaucoup de personnes ont hurlé. Mais elle a recommencé à plusieurs reprises". De son côté, un des responsables du Croissant-Rouge s’est dit "choqué" par ces allégations. "Nous allons enquêter, si de telles accusations sont vraies, nous prendrons immédiatement des dispositions".

Avant de quitter le centre, Samuel a prévenu le Croissant-rouge de son départ. "Et je ne suis pas le seul à avoir quitté les lieux, au moins 20 personnes du Sarost 5 sont partis". Selon lui, certains ont pris la direction de Sfax, d’autres de Tunis. "On passait nos journées à dormir, on ne faisait rien. Il n’y avait rien à faire".

Mongi Slim du Croissant-Rouge reconnaît qu’il y a eu des départs, il dit les comprendre. "Il n’y a pas grand-chose à faire à Médenine, les migrants ont envie de bouger, de travailler", précise-t-il. "Nous leur gardons leur chambre. Le centre n’est pas fermé. Ils peuvent aller et venir comme bon leur semble. Ils peuvent donc s’absenter une semaine puis revenir s’ils le veulent".

"On me proposait toujours un boulot de maçon"

L’emploi a été un facteur décisif dans le départ des migrants de Médenine - même si, officiellement, les personnes en situation irrégulière n’ont pas le droit de travailler en Tunisie. La ville est isolée, loin des secteurs urbains d’activité, sans diversité d’offres d’emploi. "Quand je sortais du foyer, on me proposait toujours la même chose : des boulots de maçon. J’ai un diplôme d’informatique, je n’y connais rien en maçonnerie."

Partis de Libye à bord d’une embarcation pneumatique, les migrants du foyer de Médenine – originaires d’Afrique subsaharienne et d’Égypte – se sont perdus en mer avant d’être pris en charge par le Sarost 5 le 15 juillet.

Le navire commercial tunisien a passé plus de 15 jours en mer sans trouver de port pour accueillir les naufragés. Malte et l’Italie avaient refusé de les prendre en charge. La Tunisie avait, dans un premier temps, refusé elle aussi de laisser le Sarost 5 accoster, de peur de devenir à terme un "port sûr" de référence pour les États européens qui cherchent des plateformes de débarquement dans les pays du nord de l’Afrique. Le 1er août, Tunis a finalement donné son autorisation de débarquement.

Depuis, les 40 migrants du Sarost 5 vivaient dans le foyer de Médenine, dans le sud du pays. Plusieurs d’entre eux ont déposé une demande d’asile auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), chargé de superviser les procédures d’asile en Tunisie. D’autres ont accepté de rentrer chez via les "retours volontaires", mis en place par l’OIM.


 

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