Depuis plusieurs années, l’Union européenne encourage les pays d’Afrique à renforcer la surveillance de leur frontière pour endiguer le flot migratoire. Mais paradoxalement, cela expose les migrants à de plus grands dangers sur la route migratoire, note un rapport néerlandais publié ce mois-ci. Au Soudan, notamment, la zone frontalière avec le Tchad et la Libye est officieusement gérée par une milice pro-Béchir, impliquée dans les atrocités commises pendant la guerre au Darfour.
Depuis plusieurs années, l’Union européenne (UE) coopère avec plusieurs États africains, dont le Niger et le Soudan, pour tenter de tarir les flux de migrants en route vers l’Europe.
Les territoires nigérien et soudanais - principaux points de
passage pour les dizaines de milliers migrants qui rêvent du Vieux continent - sont incontournables. Les personnes venant d’Afrique de
l’Ouest et d’Afrique sub-saharienne transitent par le Niger pour atteindre la Méditerranée. Les migrants de
la Corne de l’Afrique (Somalie, Érythrée) passent, eux, par le Soudan.
En 2016, l’UE a signé un accord - financier - avec Niamey. Officiellement, cette coopération a pour objectif de lutter contre le trafic d’êtres humains qui sévit au Sahel, mais Bruxelles espère surtout décourager les milliers de migrants de continuer leur route. Deux ans auparavant, en 2014, l’UE et le Soudan – dirigé par l’autocrate Omar el-Béchir – avaient également signé un accord pour mieux surveiller et contrôler les flux migratoires dans la région. Au total, les deux pays ont bénéficié d’une enveloppe de 200 millions d’aide de la part de l’UE.
Mais si cette politique européenne était vaine, pis, contre-productive ? Un rapport d’un think tank néerlandais, publié ce mois-ci, doute de l’efficacité de ces accords transnationaux. Ses auteurs accusent même l’UE de mener une politique dangereuse qui bénéficie surtout aux trafiquants et à des autorités corrompues.
Quand le Soudan sous-traite la surveillance de ses frontières à la milice Janjawid
Concernant le Soudan, le rapport est édifiant. Il déplore notamment que la politique soudanaise de surveillance des frontières ait été "en grande partie assignée aux ‘forces de soutien rapide’ (RSF)". Derrière cette "force RSF" soudanaise se cachent des membres de la milice Janjawid, un groupe paramilitaire impliqué dans des crimes de guerre pendant le conflit du Darfour.
Pour s’assurer de leur soutien et de leur loyauté, le président Omar el-Béchir a donc délégué la surveillance des mouvements migratoires transfrontaliers aux Janjawid. Grâce au soutien financier de l'UE, "ils sont mieux équipés, mieux financés et déployés non seulement au Darfour, mais partout au Soudan", précise encore le rapport. La milice disposerait ainsi de "23 000 hommes RSF dispersés à travers les frontières du désert".