Plusieurs jeunes font la queue pour recevoir un repas chaud au jardin de la rue Pali-Kao, le jeudi 7 mars. Crédit : Maëva Poulet / InfoMigrants.
Plusieurs jeunes font la queue pour recevoir un repas chaud au jardin de la rue Pali-Kao, le jeudi 7 mars. Crédit : Maëva Poulet / InfoMigrants.

Plusieurs fois par semaine, le collectif Les Midis du Mie organise des distributions de déjeuners pour les mineurs étrangers isolés dans le jardin de la rue Pali-Kao, dans le 20 ème arrondissement de Paris. Ces rendez-vous sont aussi des moments indispensables pour ces jeunes perdus dans leurs démarches administratives, qui parlent parfois peu le français, et qui ne connaissent personne dans la capitale. Les bénévoles du collectif peuvent ainsi les identifier, les aiguiller et venir en aide aux plus fragiles. Reportage.

Dans le jardin de la rue Pali-Kao, dès 11h30 ce jeudi, des bénévoles du collectif les Midis du Mie arrivent au compte goutte. Sur une table de ping-pong, ils déposent des packs d’eau, des barquettes en plastique, des couverts, et un repas chaud. Ce jeudi, c’est couscous au menu. 

“On fait une queue !À midi, ils lancent la distribution. En quelques minutes, une longue file de jeunes adolescents, pour la plupart originaires d’Afrique de l’Ouest, se forme dans le petit parc du 20 ème arrondissement de Paris. Agathe Nadimi, fondatrice du collectif, en interpelle certains : "Moussa*, viens me voir après avoir déjeuné". "Aujourd’hui, je laisse l’équipe s’occuper du repas, moi j'ai des jeunes à voir ", explique-t-elle à InfoMigrants. 

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Depuis plus de deux ans, le collectif des Midis du Mie - qui compte désormais plus d'une centaine de membres à Paris - s'occupe des mineurs non accompagnés, des jeunes et des très jeunes souvent perdus administrativement - ou linguistiquement - dans la capitale parisienne. Certains sont livrés à eux-mêmes, seuls, sans endroit où dormir. D'autres ont un toit mais sont peu accompagnés dans leurs démarches. D'autres encore sont "presque tirés d'affaire" mais profitent de ce moment pour rencontrer d'autres jeunes au parcours similaire, jouer au foot, ou encore aider ceux qui ne parlent pas encore bien français.  

Ici, dans le jardin de la rue Pali-Kao, il ne s’agit donc pas seulement de manger. Ce "spot", comme l’appelle Agathe, est aussi le point d’ancrage de ces mineurs étrangers. Organisés tous les jeudis, vendredis, samedis et dimanches, ces déjeuners permettent aux bénévoles d’identifier les nouveaux arrivants, de repérer les plus fragiles, de les conseiller, de les rassurer et surtout de les suivre sur le long-terme. 

Pendant le djeuner Agathe Nadimi reoit plusieurs jeunes Crdit  Mava Poulet  InfoMigrantsDes jeunes refoulés du Demie 75, chargé d'évaluer leur âge

Tous traversent des situations extrêmement difficiles. Pour la grande majorité, ils ont été refoulés par le Demie 75, le dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers, géré par la Croix-Rouge. C’est cette structure qui évalue leur âge et transmet, ou non, leur dossier à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) - le seul dispositif en France chargé de leur prise en charge. 

Souvent, certains jeunes mineurs sont jugés majeurs par le Demie et se retrouvent donc à la rue, sans solution. Dans ce cas, la loi les autorise à faire un recours en justice. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre.

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En février, Les Midis du Mie ont comptabilisé 111 jeunes qui se sont déclarés mineurs et qui ont été refoulés. Mais pour Agathe, il y en a sûrement "le double" : "on ne les connaît pas tous, certains dorment dans des parkings à La Défense, dans la gare routière de Bercy ou à Gare du Nord". 

Sur l'ensemble du territoire français, le nombre des mineurs a triplé en deux ans pour s'établir à 40 000 pris en charge fin 2018, d’après l'assemblée des départements de France (ADF) qui réclame un investissement croissant de l'État pour faire face à des centres inadaptés et saturés.

Prs de 250 jeunes se sont prsents  la distribution jeudi 7 mars Crdit  Mava Poulet  InfoMigrantsDes chambres d'hôtel et un système d'hébergement citoyen

Ce jeudi, ils sont près de 250 à la distribution, comme la semaine précédente. Parmi eux, les cas de figure varient. Lamine* est hébergé à Bobigny. Il vient jusqu’au jardin pour briser la "nostalgie" de sa chambre d’hôtel : "ici, je vois du monde, ça fait du bien". Ce jeune Guinéen de 14 ans a été reconnu mineur et attend son “transfert” vers la structure de l’Aide Sociale à l’Enfance qui le prendra en charge. À côté de lui, Elisha*, également Guinéen, dit être arrivé dimanche à Paris et dormir à la rue car jugé majeur par la Croix-Rouge. 

Le collectif tente, tant bien que mal, de faire loger les jeunes dans cette situation. Une cagnotte finance chaque mois trois chambres double à l’hôtel. Un système d’hébergement citoyen, piloté par le collectif, permet également d’en loger une centaine. "Sans ça, pour eux, c’est la rue", affirme Agathe. Ces jeunes se déclarant mineurs, ils ne sont en effet pas pris en charge par le 115.

Agathe Nadimi crit ladresse de lantenne des mineurs pour un jeune refoul du Demie Crdit  Mava Poulet  InfomigrantsAutour de la table de ping-pong, où son équipe sert les derniers repas, Agathe prend le temps de faire le point avec plusieurs jeunes. Une bénévole présente Idriss*, qui a été refoulé du Demie 75. Agathe lui demande où est sa lettre de refus et lui explique que le tribunal pour enfants la lui demandera s’il souhaite faire recours. Idriss répond qu’elle se trouve dans ses affaires "à la maison". Le jeune ivoirien assure qu’un homme, un pasteur, s’occupe de lui. "Il est gentil ce monsieur avec toi ?", reprend-elle à nouveau. Idriss acquiesce de la tête, mais perd patience. "Qu’est-ce que je dois faire ?", s'agace-t-il. 

Agathe essaie de le rassurer et de le calmer. Idriss a l’air dépassé et répète que sa "tête explose". Sur un guide destiné aux mineurs étrangers isolés réalisé par Les Midis du Mie, elle écrit l’adresse du tribunal pour enfants de Porte de Clichy et lui tend : "Tu dois ramener ta lettre de refus et tes papiers. Attention, ça n’est pas ouvert tout le temps. Alors tu y vas demain, à 9 heures, ok ?"

Un vestiaire pour récupérer des vêtements et des produits d'hygiène

Il est 13 heures passées, la distribution est terminée et il commence à pleuvoir. Certains jeunes sont déjà partis. D’autres sont encore là, abrités sous un toboggan. "Venez avec nous au local", lancent plusieurs bénévoles. Depuis décembre, Agathe a trouvé une salle, qui lui est prêtée temporairement par une association, en face du jardin. Tous les jeudis après le déjeuner, les bénévoles du collectif y emmènent ceux qui le souhaitent pour faire des essayages de vêtements. Des activités sont ensuite organisées dans l’après-midi, au chaud et à l’abri.

Le collectif a mis en place un vestiaire en face du parc ouvert tous les jeudis aprs le djeuner Crdit  Mava Poulet  InfoMigrants Ce jour-là, ils sont un peu plus d’une quarantaine à s’y rendre. Le local est petit et l’ambiance confuse. Tous ont besoin de nouveaux vêtements et se ruent vers une table où ont été déposés des pantalons, des t-shirts et des pulls. Agathe a pris quelques jeunes avec elle et les a amenés vers une petite pièce au fond du local. C'est là qu'elle reçoit les plus démunis, comme ceux qui ont été repérés sans manteaux, et les plus fragiles. 

Là, ils peuvent récupérer un blouson, des slips, des cartes SIM, de petits téléphones portables, mais aussi des produits d’hygiène. Agathe discute avec un jeune qui semble fatigué et extrêmement isolé. "Il faut que tu te fasses des copains ici. Tu parles quelle langue ? Bambara ? On va t’aider à rencontrer des amis". 

Une bénévole lui propose de venir le lendemain au Centquatre, un centre culturel du 19 ème arrondissement, pour aller voir des danseurs. Agathe ajoute qu’une sortie culturelle sera bientôt organisée un dimanche. "Il faut bien que l'on puisse aussi leur proposer des activités sympas", glisse-t-elle. Car en plus de la reconnaissance de leur minorité, beaucoup de ces jeunes ne peuvent pas aller à l'école. Alors pour eux, les journées seuls à Paris sont longues.

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Informations pratiques

Je suis mineur et je souhaite rencontrer l'équipe des Midis du Mie :

- Les Matins du Mie, distribution de petits-déjeuners

Quand ? Lundi, mardi, mercredi de 10 heures à midi.

Où ? Rue du Moulin Joly, à côté de la Croix-Rouge. Métro : Couronnes, Ligne 2.

- Les Midis du Mie, distribution de repas

Quand ? Jeudi, vendredi à partir de 12 heures et samedi, dimanche à partir de 12h30.

Où ? Jardin de la rue Pali-Kao, en dessous du parc de Belleville. Métro : Couronnes, Ligne 2.

- Le vestiaire des Midis du Mie, pour recevoir de nouveaux habits

Quand ? Tous les jeudis, après les déjeuners des Midis du Mie dans la rue Pali-Kao.

Où ? En face du jardin de la rue Pali-Kao, au 5 rue de Tourtille, 75020 Paris. Métro Couronnes, Ligne 2.

Je souhaite aider les Midis du Mie :

- Les personnes qui les souhaitent peuvent déposer des vêtements pour les jeunes à "Belleville citoyenne", au 18 rue Bisson, 75020 Paris, les mercredis et samedis de 17 à 19 heures.

- Retrouvez le collectif sur Facebook : Les Midis du Mie

*Tous les prénoms des mineurs ont été modifiés. Leurs photos ont également été floutées par InfoMigrants.

 

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