InfoMigrants a reçu des photos de corps décharnés et des témoignages affirmant que plusieurs migrants étaient morts de faim dans le centre de détention de Zintan, au sud de Tripoli, ces derniers jours. Ce n'est pas la première fois que les ONG alertent sur la malnutrition sévère dans les camps libyens.
Les morts s’accumulent dans les centres de détention libyens où s'entassent actuellement des milliers de migrants détenus de force. À Zintan, au sud de la capitale libyenne, le centre officiel - rattaché au département libyen de lutte contre la migration illégale (DCIM, selon l’acronyme anglais) -, les conditions de vie sont catastrophiques. Pire, il y a des décès liés à la faim.
Selon un migrant Jon*, enfermé dans le centre de Zintan depuis plusieurs mois, l'eau et la nourriture manquent cruellement. "Des migrants sont récemment morts de faim. Depuis le mois de septembre, il y a eu 14 morts. Certains sont morts de tuberculose, d’autres sont morts parce qu’ils ne mangeaient plus assez", explique-t-il. "Nous n’avons pas assez à manger, pas assez d’eau".
Le Haut-commissariat pour les réfugiés à
l’ONU (HCR) a accès aux camps officiels de la DCIM. Mais selon Jon, ni le HCR, ni l’organisation internationale des migrations (OIM), ni aucune organisation humanitaire comme Médecins sans frontières (MSF), ne sont venus à Zintan depuis le mois de décembre.
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Les derniers morts remontent au 12 mars, raconte-t-il. "Il
y a eu trois corps, deux hommes et une femme". Jon ne sait pas ce que sont devenues les dépouilles.
Le HCR, contacté par InfoMigrants, nuance les propos de Jon. "Nous nous rendons à Zintan régulièrement pour apporter des soins médicaux mais la nourriture est gérée par les autorités libyennes", explique Paula Esteban, la porte-parole du HCR en Libye. "Nous ne sommes pas en charge de cela."
Les photos reçues par InfoMigrants sont particulièrement éprouvantes : on y voit des corps décharnés et des visages émaciés. Selon Giulia Tranchina, une avocate spécialisée dans l'asile, ces famines sont "délibérées". "Elles servent de punition aux migrants", explique-t-elle. "Il existe plusieurs centres de détention dans le pays où les privations de nourriture ont cours", pas seulement à Zintan.
En effet, dans le camp de Furahji Sebha, à Tripoli, des migrants
ont affirmé avoir tenu presqu’une semaine sans nourriture. Selon Giulia Tranchina, à Furajhi
Sebaa, les gardiens avaient affirmé n’avoir pas les moyens de les nourrir.
À Zintan, comme dans les autres centres de détention, il est
presque impossible de recenser tous les décès. L’ONU a expliqué ne pas avoir accès aux registres des victimes - tenus par les autorités du pays. MSF émet même des doutes sur l’enregistrement des personnes
disparues.
"Ici, les conditions de vie sont horribles et personne ne vient", se désespère Jon. "Nous perdons espoir, que pouvons-nous dire aux malades ? Qu’ils iront mieux ? Mais ce n’est pas le cas. Faites-nous sortir d'ici. On sait que l’ONU évacue des migrants de Tripoli vers le Niger. Nous sommes enregistrés comme demandeurs d'asile. Pourquoi personne ne s’occupe de nous ? Pourquoi nous abandonne-t-on ? Nous n’intéressons personne."
*Le prénom a été changé