Afin de mettre plus facilement les passeurs hors d’état de nuire, la police grecque multiplie depuis quelques mois les interpellations de véhicules à vide. Au lieu de chercher des camions remplis de migrants, elle cible les conducteurs dépourvus de permis de conduire qui se dirigent à la frontière turco-grecque pour aller chercher des migrants en quête d’Europe.
Dans le nord de la Grèce, la police a développé une nouvelle technique pour lutter contre les réseaux de passeurs qui opèrent à la frontière avec la Turquie : il s’agit désormais d’interpeller les conducteurs pour infraction au code de la route avant même qu’ils ne récupèrent les migrants.
En leur coupant l’herbe sous le pied de la sorte, il n'est pas possible de les accuser de trafic d'êtres humains - il faudrait que des migrants soient à bord du véhicule arrêté - mais les conducteurs risquent quelques mois de prison, de se faire saisir leur véhicule et de payer de fortes amendes (pour conduite sans permis, notamment).
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Les autorités grecques estiment que cette stratégie est bien moins dangereuse que de déployer des policiers à la frontière qui doivent se lancer dans des courses-poursuites après de vieux véhicules remplis de migrants. De plus, les réseaux de passeurs font souvent appel à des conducteurs adolescents ayant très peu d’expérience de conduite ce qui augmente le risque d’accident lors de courses-poursuites.
125 passeurs arrêtés en 6 mois
“Dans les accidents graves impliquant des victimes réfugiées et migrantes, la plupart des conducteurs ayant survécu étaient des immigrés originaires de pays asiatiques sans permis de conduire”, a expliqué à l’agence AP le Major général Nikolaos Menexidis, chef de la police de la région frontalière de Thrace et de la Macédoine orientale.
Ainsi, en octobre dernier, une voiture qui dissimulait des migrants est entrée en collision avec un camion qui s’est alors embrasé près de la ville de Kavala dans le nord-est de la Grèce. Les onze migrants qui tentaient d’entrer en Europe sont morts dans ce drame. Au total, l’année dernière, 30 migrants sont morts dans des accidents de la route alors qu’ils étaient conduits par des passeurs dans la région nord-est de la Grèce, selon la police. Et près d’une centaine a été blessée.
Les autorités grecques ont commencé à s’intéresser en septembre dernier aux véhicules “vides”. En six mois, 125 personnes suspectées de travailler pour des réseaux de passeurs ont été arrêtées pour infractions au code de la route alors qu’ils se dirigeaient vers la frontière grecque. Ils avaient été recrutés parmi des migrants vivant déjà en Grèce et aucun d'entre eux n'avait de permis de conduire.
La voie terrestre de plus en plus empruntée
"Nous voulons envoyer aux gangs de passeurs le message qu'ils ne peuvent pas entrer librement, ou du moins pas facilement", affirme le Major général Nikolaos Menexidis. S’étendant sur 130 km, les principales routes qui longent le fleuve Evros demeurent hautement surveillées. Les barrages policiers vont aussi désormais couvrir les routes secondaires et isolées que les passeurs empruntent pour se rendre à la frontière et y rencontrer les migrants qui arrivent.
En moyenne, le coût demandé par les passeurs pour traverser la frontière depuis la Turquie jusqu’à Thessalonique se situe autour de 1 500 à 2 000 euros par personne. La mer reste le premier choix pour atteindre Europe, la traversée depuis les côtes turques jusqu’aux îles grecques étant relativement courte. Mais l’option terrestre à tout de même doublé, passant de 18% en 2017 à 36% l’année dernière.