Pour la première fois, l’agence chargée des frontières extérieures de l’Union européenne, appelée Frontex, va déployer des équipes hors du territoire d’un de ses États membres. L’Albanie va ainsi accueillir son sol des militaires européens qui contrôleront, avec les forces albanaises, la frontière greco-albanaise. Le but : lutter contre l’immigration illégale.
L’Union européenne (UE) étend ses frontières. Depuis mercredi 22 mai, Frontex, l’agence chargée des frontières extérieures de l’Union européenne, déploie des militaires en Albanie pour contrôler la frontière greco-albanaise, conjointement avec des agents albanais.
Le déploiement des "bureaux mobiles" n’est pas une nouveauté pour Frontex. En 2018, deux ont été installés en Bulgarie, trois en Grèce, 14 en Italie et trois en Espagne. Mais c’est la première fois que des bureaux sont déployés en dehors de l’UE.
"Lutter contre l’immigration illégale"
Selon l’ONG Statewatch, qui surveille les États et les libertés civiles en Europe, l’agence entend mettre en place cinq "bureaux mobiles entièrement équipés" dans le pays pendant un an. En clair, Frontex pourra intervenir sur tout le territoire albanais pour "lutter contre l’immigration illégale". Les équipes pourront procéder à "l’enregistrement, l’identification et les entretiens des migrants", écrit Statewatch. Cependant, Tirana aura le pouvoir d’approuver ou de refuser l’entrée sur son territoire d’un citoyen.
"Cela semble complètement absurde et irrationnel", juge Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l'université Lyon 3, joint par InfoMigrants. "Pourquoi envoyer des unités mobiles de Frontex en Albanie alors que les flux migratoires entrant dans l'UE par cette voie sont résiduels ?", continue-t-elle. En effet, les migrants qui tentent de quitter la Grèce pour rejoindre l’ouest de l’Europe le font principalement via la Macédoine.
Cette opération conjointe en Albanie est "une véritable étape historique rapprochant" les Balkans de l’UE, et témoigne d’une "meilleure gestion de la migration et de la protection de nos frontières communes", a commenté mardi 21 mai Dimitris Avramopoulis, le commissaire chargé des migrations, lors d’une visite dans la capitale albanaise.
Des accords similaires signés avec d’autres pays
Tirana espère en échange convaincre les États membres d’ouvrir des négociations d’adhésion ce printemps, ce qui lui avait été refusé l’an dernier. Son premier ministre Edi Rama a salué "un pas très important dans les relations entre l’Albanie et l’Union européenne" et a estimé qu’il "renforcerait également la coopération dans le domaine de la sécurité".
L’Albanie n’est pas le seul pays à avoir passé des accords avec l’UE. La Macédoine du Nord, la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine ont signé des accords similaires qui vont aussi permettre de déployer sur leur territoire des agents de Frontex.
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Ces pays sont situés sur la "route des Balkans", très empruntée au plus fort de la crise migratoire en 2015. Mais la fermeture des frontières décidées par l’UE en 2016 a drastiquement réduit le flux de migrants.
"L’UE veut empêcher les migrants d’entrer sur le territoire européen"
"Les frontières de l’Europe n’ont jamais été aussi contrôlées", juge Marie-Laure Basilien-Gainche. "L’UE veut empêcher les migrants d’entrer sur le territoire européen".
Ce type d'accord "contribuera à l'amélioration de la gestion de la migration clandestine, renforcera la sécurité aux frontières extérieures de l'UE et consolidera la capacité de l'agence à agir dans le voisinage immédiat de l'UE, tout en rapprochant de l'UE les pays voisins concernés", selon un communiqué de la Commission.
"Le fait que cette annonce intervienne quelques jours avant les élections européennes n’est pas anodin", estime Marie-Laure Basilien-Gainche. En effet du 23 au 26 mai, les citoyens de l’UE sont appelés aux urnes pour élire leurs eurodéputés. Les candidats souverainistes n’ont de cesse de critiquer la politique migratoire de l’UE, comme le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini ou le chef de file de la liste française s’extrême-droite, Jordan Bardella, qui a récemment qualifié Frontex "d’hôtesse d’accueil pour migrants".