Entre 100 et 400 migrants, en grande partie ceux évacués il y a une semaine du gymnase de Grande-Synthe, sont revenus dans cette ville du nord de la France et vivent dans des conditions très difficiles dans les bois. Selon les associations, la police démantèle ces nouveaux camps de fortune quasiment tous les jours.
C’est exactement ce que craignaient les associations : une semaine après l’évacuation du gymnase de Grande-Synthe, dans le nord de la France, de nombreux migrants sont de retour. “On estime qu’ils sont actuellement plus de 400 dans le bois du Puythouck. Il y a des familles avec des enfants en bas-âge, des mineurs isolés, beaucoup d’hommes seuls mais aussi de nouveaux arrivants”, indique Akim Toualbia de l’association locale Solidarity Borders, contacté par InfoMigrants. La préfecture, elle, fait état de 250 personnes seulement, dans les bois mais aussi ailleurs dans la ville.
Environ un millier de personnes vivaient, ces derniers mois, dans le gymnase de Grande-Synthe et aux abords. Des dizaines de tentes entouraient l’édifice ainsi que des commerces illicites. Sommée par le Conseil d’État, la préfecture du Nord y avait installé fin juin des points d’eau, des douches et des sanitaires à proximité du campement où les conditions sanitaires étaient jusqu’alors déplorables.
“Le gymnase c’était loin d’être l’idéal, mais depuis le démantèlement, la situation est carrément horrible : les conditions météo se dégradent, il pleut depuis plusieurs jours, le froid commence à revenir. Nous avons reçu beaucoup de messages et d’appels à l’aide”, rapporte Akim Toualbia. Les bénévoles de Solidarity Border ont mis en place des maraudes nocturnes de 21h à minuit dans les campements de la forêt du Puythouck afin de distribuer boissons chaudes, collations et couvertures.
Mêmes constats du côté de l’antenne locale de Médecins du Monde qui reçoit de nombreux migrants en consultation chaque semaine. “Lors de notre clinique mobile aujourd'hui, près de 40 patients montraient des plaies surinfectées ou sales, conséquences d'un manque d'accès à l'eau et à l'hygiène”, a indiqué l’association sur Twitter.
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— Brice Benazzouz (@BriceBenazzouz) September 23, 2019
"Lors de notre clinique mobile aujourd'hui, près de 40 patients montraient des plaies sur-infectées ou sales, conséquences d'un manque d'accès à l'eau et à l'hygiène."
Selon Chloé Lorieux, coordinatrice du programme Nord-Littoral de Médecins du Monde, jointe par InfoMigrants, le seul point d’eau qui se trouvait dans le bois du Puythouck a été retiré par la mairie de Grande-Synthe le 6 septembre dernier, privant les migrants “d’un accès à l’eau, à l'hygiène et à la salubrité. Ce qui a des conséquences directes sur leur santé”.
“La situation est catastrophique et dramatique : on court à l’urgence car on sait très bien que les [migrants] vont continuer de revenir dans les prochaines semaines. On s’attend donc à une aggravation de l’état sanitaire”, poursuit Chloé Lorieux.
Des campements démantelés tous les jours ou presque
Les conditions de vie sont rendues encore plus difficiles par le démantèlement quasi-quotidien des campements installés dans le bois du Puythouck. “Hier, la police est arrivée en nombre et a encerclé les campements. Elle a ensuite enlevé les tentes et les couvertures qui avaient été distribuées. Les exilés ont dû rester assis par terre sans bouger pendant l’opération”, raconte Akim Toualbia qui affirme également qu’aucune proposition d’hébergement n’a été faite aux évacués. “Il y avait juste le mini-bus qui passe déjà du lundi au vendredi pour proposer quelques places insuffisantes”, déplore-t-il.
Pour Chloé Lorieux, cette intensification des contrôles policier “va conduire les [migrants] à tenter encore plus de devenir invisibles” rendant leur soutien d’autant plus compliqué. "Ces expulsions ne servent à rien, elles traduisent seulement un acharnement politique malsain qui condamne à l'errance et ajoute de la souffrance à la précarité", a commenté ainsi Médecins du Monde.
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— Brice Benazzouz (@BriceBenazzouz) September 23, 2019
"Ces expulsions ne servent à rien, traduisent seulement un acharnement politique malsain qui condamne à l'errance et ajoute de la souffrance à la précarité."
Contacté par InfoMigrants, un porte-parole du maire de Grande-Synthe, Martial Beyeart, confirme que les campements sont désormais démantelés quotidiennement ou presque. “Le maire et le sous-préfet étaient ensemble hier. Ils sont d’accord pour maintenir ce qui a été décidé, à savoir des mises à l’abri régulières”, a-t-il déclaré. Le porte-parole a également ajouté qu’il n’était pas question de rouvrir une structure d’accueil ni de points d’eau pour le moment. “Si le plan grand froid est de retour, nous pourrons considérer l’ouverture d’un bâtiment mais tout sera fait avec l’État, il ne s’agira pas d’une décision unilatérale comme l’avait fait l’ancien maire l’hiver dernier”.
La préfecture, quant à elle, assure que les opérations de démantèlement quotidiennes sont en fait “des maraudes afin d'orienter” les migrants vers des centres d'hébergement adaptés. “Éviter la constitution de nouveaux campements sauvages et illicites, c'est proposer aux personnes un hébergement digne et les soustraire à l'influence des passeurs qui commercialisent leur détresse et bénéficient, en ces campements, de point d'ancrage à leur trafic”, a expliqué la préfecture à InfoMigrants.
Elle affirme également que depuis le démantèlement du gymnase et la mise à l'abri de 811 personnes le 17 septembre dernier, “49 migrants nouveaux arrivants ont été conduits vers des centres d’hébergement.”
Avec la baisse des températures et l’arrivée de la pluie, les associations comptent bien intensifier leurs maraudes. Mais elles appellent également la préfecture et la municipalité à agir. “Elles doivent tout d’abord respecter les injonctions données par le Conseil d’État fin juin : un accès à l’eau et à l'hygiène”, martèle Chloé Lorieux. “Il faut ensuite des structures d’accueil pérennes sur le littoral afin de permettre aux migrants d’être dans des conditions de vie dignes pour mûrir leur projet, qu’il s’agisse de demander l’asile en France ou poursuivre leur route vers l’Angleterre comme le souhaitent la plupart d’entre eux”, conclut Chloé Lorieux.