Des photos montrant apparemment des réfugiés érythréens en train de participer à une fête organisée par le régime du dictateur Isaias Afeworki ont fait surface fin septembre. Oslo a décidé de réexaminer des dizaines de demandes d’asile.
Certains articles de presse nourrissent actuellement le doute quant aux raisons réelles de l’exil de certains Érythréens. Une affaire fait notamment grand bruit en Norvège. Sur des photos, on voit des membres de la communauté érythréenne participer à des festivités de représentants du régime d’Issayas Afeworki à Oslo.
Plus perturbant encore, l’événement célébrait les 25 ans d’existence de ce service militaire obligatoire qui constitue la raison invoquée par la plupart des Érythréens pour expliquer leur exil. Cette affaire a suffi au gouvernement norvégien pour décider de réexaminer 150 cas de demandes d’asile qui avaient pourtant été approuvées.
Comment se fait-il que des réfugiés érythréens se rendent à une fête du régime qui les a oppressés ? "Le système de contrôle du régime érythréen a de longues tentacules, également à l’étranger", commente Laetitia Bader. Ainsi, des réfugiés pourraient notamment se sentir contraints d’être présent aux événements du régime par peur de représailles contre les membres de leur famille restées au pays
La peur du régime
Kessete Awet confirme qu’en Allemagne aussi, de nombreux Érythréens vivent dans la peur du régime. Il n’a cependant pas encore entendu parler d’affaires comme celle en Norvège. Selon lui, les personnes qui en Norvège se montrent en compagnie du régime pourraient avoir été "achetées" par l’Érythrée pour faire de la propagande. "Mais il ne s’agit pas d’un nombre important de réfugiés et ce n’est pas representatif de la majorité", estime le travailleur social.
L’association "Connection", située près de Francfort et qui milite pour les droits des déserteurs dans le monde, voit encore un autre problème. "La protection en Allemagne contribue à envoyer des réfugiés dans les bras du système érythréen", affirme le directeur de Connection Rudi Friedrich. Selon lui, les Érythréens sont souvent contraints de coopérer avec leur gouvernement parce que les autorités allemandes leur accordent souvent le droit d’asile pour des raisons humanitaires et non pas pour des motifs politiques. "Ils n’obtiennent pas de documents de voyage pour réfugiés et doivent demander un passeport au consulat érythréen en Allemagne", ajoute Rudi Friedrich. Pour obtenir leurs papiers, certains réfugiés érythréens doivent notamment accepter de payer l’impôt des Érythréens de l’étranger. "Les réfugiés se retrouvent sous pression pour qu’ils se comportent bien vis-à-vis du régime et celui-ci garde la mainmise sur ses citoyens à l’étranger."
L’Érythrée continue à faire partie des pays les plus répressifs au monde. "L’espoir de réformes après l’accord de paix se sont envolés", affirme Laetitia Bader, spécialiste du pays auprès de l’ONG Human Rights Watch. "Les personnes poursuivies pour des raisons politiques finissent dans d’horribles camps de prisonniers, isolés de leur famille. Tout le système est basé sur le contrôle de la population. Le service militaire est le moyen le plus efficace de cette oppression." Cet enrôlement obligatoire pour une durée indéterminée constituerait pour les jeunes la principale raison partir.
Auteure : Martina Schwikowski
Traduction : Marco Wolter
Source: dw.com