L'affiche du film "Harbor". Crédit : Blue Hour Films
L'affiche du film "Harbor". Crédit : Blue Hour Films

Le court-métrage "Harbor" - ou "Jeter l'ancre un seul jour" en français - aborde la difficile question des mineurs isolés qui souhaitent rejoindre l'Angleterre. Avec ce film, le jeune réalisateur de 23 ans, Paul Marques Duarte, souhaite éveiller les consciences.

Dans son film "Harbor" - ou "Jeter l’ancre un seul jour" - Paul Marques Duarte raconte l’histoire d’une enseignante française qui, lors d’un voyage scolaire vers l’Angleterre avec sa classe, décide de cacher un jeune migrant à bord d’un ferry. 

Projeté pour la première fois lors du Festival du Film Court Européen de Brest, en novembre 2018, le court-métrage a depuis "traversé les frontières" grâce à sa diffusion dans plus d’une cinquantaine de festivals de cinéma du monde entier. Il a remporté de nombreux prix comme celui du public au Festival International du Film de Cleveland (États-Unis) et sera prochainement présenté au Dakha International Film Festival Manhattan ou encore au Saint-Louis International Film Festival. Rencontre avec le jeune réalisateur breton de 23 ans.

InfoMigrants : Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce court-métrage ?

Paul Marques Duarte : L’idée est venue lors de ma participation à l’Appel de Calais en 2015 [des acteurs du monde de la culture s’étaient mobilisés pour alerter sur les conditions de vie des migrants dans la "jungle" de Calais. Plusieurs réalisateurs avaient alors filmé le quotidien des exilés, NDLR].

À cette époque, j’ai suivi un groupe de réalisateurs dans la "jungle" un peu par curiosité. En arrivant sur place, j’ai été balayé par la dure réalité, à tel point que je n’ai pas réussi à sortir ma caméra. Je n’arrivais pas à filmer ces personnes qui vivaient sûrement un des pires moments de leur vie.

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Je ne me sentais pas légitime dans ce rôle, d’autant que je n’ai pas l’habitude de réaliser des documentaires. Mais cette expérience m’a donné envie de faire quelque chose.

IM : Votre film est-il purement fictionnel ou vous êtes-vous inspiré de faits réels ? 

PMD : J’ai rencontré un jeune Soudanais de 15 ans dans la cabane juridique de la "jungle" de Calais avec qui je me suis lié d’amitié. Il voulait à tout prix rejoindre l’Angleterre car son oncle y vivait mais ne savait pas qu’il avait des droits en France et qu’il pouvait construire sa vie ici.

Après plusieurs échanges, je lui ai proposé de l’héberger à la maison. Je vivais encore chez mes parents à cette époque mais ils ont tout de suite accepté de l’accueillir.

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Il a été reconnu mineur en 2016 et a vécu plusieurs mois chez nous. Une amitié très forte est née, je le considère aujourd’hui comme mon demi-frère.

Son histoire m’a inspiré, j'ai eu envie de raconter l'histoire de ces migrants qui souhaitent traverser la Manche.

J’ai alors pris contact avec une scénariste, Blandine Jet. Ensemble, nous avons décidé de prendre le point de vue d’une professeure et non d’un migrant. Nous voulions montrer que face à des situations extrêmes, on n'a pas le temps de réfléchir, on doit juste agir.  

C’est une évidence qui s’impose à nous. La nécessité d’aider est plus forte que ses convictions.

IM : Pourquoi avoir choisi de traiter ce sujet avec l'histoire d'un mineur et non d'un adulte ?

PDM : Je trouvais intéressant de faire le parallèle entre des élèves français qui partent avec leur classe en Angleterre et ce jeune du même âge qui, lui, n’a pas le droit de franchir cette frontière.

Beaucoup d’entre nous avons fait ce genre de voyage avec l’école, on peut facilement s’identifier à ces élèves et à ce jeune exilé.

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De plus, les conditions de vie des mineurs en France me glacent. Je suis régulièrement en contact avec des bénévoles à Paris et les retours du terrain sont terrifiants.

En tant que réalisateur et particulièrement à travers ce film, je souhaite alerter sur la situation actuelle des migrants en France et en Europe. Ce film est pour moi une manière de prolonger mon engagement citoyen. 

IM : Votre film a déjà beaucoup voyagé, il a été traduit en plusieurs langues comme le portugais, l’espagnol et même le chinois…

PDM : Le film a été diffusé dans une cinquantaine de festivals et il est très souvent suivi d’un débat, notamment avec des élèves. À chaque projection, il soulève beaucoup de réflexions et de prise de conscience chez les adolescents. Ils se disent : 'Je pourrais être lui, je pourrais être à sa place.' Ce film est un formidable outil éducatif. 

De plus j’ai réalisé, à travers ces nombreuses rencontres à l’étranger, que ce sujet était universel. Le film traverse les frontières et touche des populations très variées.

 

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