Le tribunal administratif fédéral de Suisse demande à Berne d’arrêter de renvoyer les demandeurs d’asile dublinés vers l’Italie. Cette décision rendue publique vendredi ne concerne que les familles avec enfant et les personnes malades.
La Suisse doit désormais cesser de renvoyer les “demandeurs d’asile vulnérables” vers l’Italie. Cette décision a été prise vendredi 17 janvier par le tribunal administratif fédéral de Suisse qui a estimé que les conditions d’accueil des migrants en Italie s’étaient “détériorées en tous points” depuis l’adoption d’une nouvelle loi sur l’immigration fin 2018. La cour s’inquiète tout particulièrement des conséquences de ce texte sur les demandeurs d’asile vulnérables et traumatisés par leur parcours migratoire ou par les violences subies dans leur pays d’origine.
Medienmitteilung: Strengere Kriterien für Dublin-Überstellungen nach Italienhttps://t.co/y6jrCiAqJJ
— BVGer | TAF (@BVGer_Schweiz) January 17, 2020
En vertu du Règlement Dublin, le pays tenu d’instruire la demande d’asile d’un migrant est celui dans lequel ledit migrant a posé pied en premier. La Suisse - tout comme les pays membres de l’Union européenne (UE) - est donc en droit de renvoyer un demandeur d’asile qui serait arrivé en Europe via l’Italie. Selon les médias suisses cités par l’agence Associated Press, 610 demandeurs d’asile dublinés ont été renvoyés vers l’Italie l’année dernière.
L'impact "considérable" de la politique de Salvini
Première porte d’entrée pour les migrants arrivant de Libye, l’Italie n’a eu de cesse de répéter ces dernières années que le Règlement Dublin était injuste et le fardeau trop lourd à porter. Alors que les pays européens peinent à se mettre d’accord sur une réforme du système, l’Italie a pris les devant en musclant ses propres lois sous l’ancien gouvernement composé d’une coalition entre le Mouvement 5 étoiles anti-système et la Ligue d’extrême droite. Matteo Salvini, qui était alors ministre de l'Intérieur, a ainsi fait adopter une série de mesures visant à freiner l’immigration, en imposant par exemple de lourdes amendes aux navires humanitaires de sauvetage des migrants en mer Méditerranée.
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Dans sa décision ne pouvant pas faire l’objet d’un appel, le tribunal suisse pointe tout particulièrement le décret-loi Salvini 113/2018. Ce texte, entré en vigueur en novembre 2018, a eu un impact “considérable” sur la façon dont sont accueillis les demandeurs d’asile en Italie, a souligné le tribunal dans un communiqué. Il supprime notamment l’accès aux centres d’hébergement dits "de seconde ligne" qui permettaient de prendre en charge dans des petites structures adaptées les demandeurs d'asile vulnérables, dont les familles avec enfants et les personnes souffrant de graves problèmes de santé.
Selon le tribunal, le système italien “comporte également un certain nombre d’obstacles susceptibles d’entraver l’accès immédiat des requérants d’asile à la procédure d’asile et aux prestations d’accueil”. Il relève en outre que “les standards en matière d’accueil et d’accès à la procédure d’asile varient considérablement d’une région à l’autre”.
Une décision limitée aux personnes vulnérables
En dépit de ces critiques, le tribunal estime tout de même que “l’accès à une procédure d’asile conforme aux exigences du système Dublin est en principe garanti en Italie, même s’il est fréquemment retardé en pratique.” Même constat pour “l’accès général à des conditions de vie minimales durant la procédure d’asile, et ce même si les conditions d’accueil dans les centres présentent de grandes disparités.” Estimant qu’il n’y a pas de “violations systémiques” dans la procédure d’asile et d’accueil en Italie, le tribunal n’a pas jugé nécessaire de renoncer au renvoi de tous les demandeurs d’asile vers l’Italie mais de le limiter aux personnes vulnérables.
Dans le cas des familles et des demandeurs d'asile gravement malades, les transferts des dublinés vers l'Italie ne seront à nouveau autorisés que si les autorités italiennes donnent au préalable à leurs homologues suisses “des garanties individuelles de soins et d'hébergement adaptés" à chaque cas.