Des migrants interceptés en mer par les garde-côtes libyens et déposés au port de Tripoli. Crédit : DR
Des migrants interceptés en mer par les garde-côtes libyens et déposés au port de Tripoli. Crédit : DR

Ali a été intercepté en mer mercredi 19 février par les garde-côtes libyens. Débarqué au port de Tajourah, à l’est de Tripoli, ce Guinéen de 18 ans a réussi à échapper à la surveillance des autorités et s’est enfui avec deux compagnons d’infortune. Les trois hommes, qui ont regagné la capitale libyenne le lendemain, s’inquiètent pour leurs amis dont ils sont sans nouvelles depuis jeudi matin.

"J’ai pris la mer dans la nuit de mardi 18 à mercredi 19 février depuis Zaouia [ville côtière située à l’ouest de Tripoli, NDLR]. Nous étions 76 personnes dans l’embarcation.

Vers 15h mercredi, les garde-côtes libyens sont venus nous récupérer en mer alors que notre canot était vers une plateforme pétrolière, au large de Sabratha [à l’ouest de Zaouia, NDRL]. Ils nous ont demandé de nous arrêter mais nous avons refusé car nous ne voulions pas être renvoyés en Libye.

"Notre bateau a presque chaviré"

Les garde-côtes se sont éloignés et ont fait des rotations autour de nous. À cause des énormes vagues provoquées par les mouvements des Libyens, notre bateau a presque chaviré. Les gens, notamment les femmes et les enfants, criaient et certains ont failli passer par-dessus bord. C’était la panique totale dans le bateau.

Nous sommes donc finalement montés sur le navire des garde-côtes. Il y avait des centaines de migrants à bord car ils avaient intercepté trois autres embarcations avant la nôtre.

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On est arrivés au port de Tripoli en fin d’après-midi mercredi. Nous n’avons pas pu accoster car des hommes en armes à bord de vedettes tiraient en direction de notre bateau. Le capitaine a donc fait demi-tour et s’est dirigé vers le port de Tajourah [à l’est de Tripoli, NDLR].

Nous sommes arrivés sur la terre ferme dans la soirée, vers 23h. L’Organisation internationale des migrations (OIM) était présente au port et a recensé les migrants débarqués.

Quand le personnel de l’agence onusienne est parti, on a vu des bus avec grillages arrivés au port. Nous savions ce que cela signifiait : ils allaient nous renvoyer en prison. Les gens ont commencé à paniquer et se sont mis à crier. Mais la police a tiré en l’air et tout le monde s’est tu.

"Nous ne savons pas ce que nos amis sont devenus"

Avec deux amis, nous avons profité d’un moment où les Libyens étaient occupés avec d’autres migrants pour nous enfuir. On s’est cachés vers les rochers près du port toute la nuit.

À 5h du matin, il y a eu l’appel à la prière. On en a profité pour quitter notre cachette car nous savions que les Libyens étaient occupés à prier.

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On a rampé puis marché pour quitter le port sans être repérés. Plus loin, on est tombés sur des travailleurs bangladais qui nous ont donné des chaussures et un peu d’argent. Ils nous ont fait monter dans un taxi et on a regagné l’appartement où je logeais à Tripoli.

Nos amis de l’embarcation ont, eux, étaient emmenés dans le centre d’investigation de Tripoli.

Nous avons pu rester en contact avec eux car ils avaient gardé leur téléphone. Mais depuis hier matin [jeudi], leur téléphone est éteint, nous n’arrivons plus à les joindre. Les Libyens leur avaient dit qu’ils seraient rapidement libérés. Nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus : sont-ils en prison ? Ont-ils été vendus à des trafiquants ? Ont-ils été libérés ? Je m’inquiète pour eux."

***L’OIM a déclaré cette semaine avoir perdu la trace de 600 migrants interceptés en mer par les garde-côtes libyens et transférés dans le centre d’investigation de Tripoli. Les autorités libyennes disent libéré ces migrants mais l’OIM s’interroge sur leur sort et demande l’autorisation d’entrer dans ce centre.

 

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