Un chantier de construction. Image d'illustration. Crédit : Pixabay
Un chantier de construction. Image d'illustration. Crédit : Pixabay

Depuis deux mois, Boubacar* travaille sur un chantier parisien. Malgré l’appel des autorités françaises à rester confiné chez soi, ce Malien de 17 ans tient à aller travailler. Mineur isolé en France, il a absolument besoin de son salaire pour vivre.

"Je suis apprenti, je travaille depuis deux mois sur un chantier dans le 8e arrondissement de Paris. J’apprends à devenir carreleur professionnel.

Après le discours du président Macron sur le confinement [le 16 mars dernier, NDLR], on a fait une réunion avec mon patron et tous les ouvriers. Il nous a dit que ce n’était pas obligatoire de venir travailler, que si on ne venait pas, on ne serait pas licencié. Mais il ne nous a pas dit clairement si nous, les apprentis, nous allions être payés si on ne venait pas travailler.

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Si on écoute bien le discours d’Emmanuel Macron, il n’a pas dit aux ouvriers de rester à la maison. Il a dit que ceux qui peuvent faire du télétravail doivent travailler depuis la maison.

"J’ai traversé des périodes pires que ça"

Sur le chantier, on essaye de rester à distance les uns des autres et de ne pas trop se serrer la main. Mais parfois on oublie de ne pas le faire, parce que c’est comme un réflexe.

Sur le chantier, on est trois apprentis. Les deux autres ont arrêté le travail à cause de l’épidémie parce qu’ils ont peur d’être infectés. Maintenant, on est 8 ou 10 personnes à travailler.

Je travaille avec mon maître d’apprentissage. On fait attention. Souvent, il me dit de ne pas m’approcher mais pour certaines choses, on est obligés d’être à coté l’un de l’autre. Pour porter des choses lourdes par exemple.

Je suis aussi suivi par mon éducateur. Il veut que lui envoie des messages matin et soir pour savoir si tout va bien, donc je le tiens au courant deux fois par jour.

Ma survie dépend de mon travail. Même s’il y a des risques, je suis obligé d’aller travailler. Je n’ai pas la peur au ventre parce que j’ai traversé des périodes pires que ça. J’ai réussi à surmonter beaucoup d’épreuves, donc je n’ai pas peur. Nous [les mineurs isolés étrangers, NDLR], on ne pense pas trop à la maladie mais à notre survie.

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Je suis dans une situation délicate parce que je viens de commencer mon apprentissage. Si je reste à la maison, je ne vais pas avoir assez d’argent pour vivre. Et on ne sait pas quand le confinement va se terminer. J’ai conscience que c’est une maladie très grave, très dangereuse, mais ça ne m’empêche pas de travailler.

Survivant

Je suis parti du Mali en raison de problèmes familiaux. J’ai vécu cinq mois en Algérie, puis neuf ou dix mois au Maroc et trois mois en Espagne. Là, ça fait environ un an et cinq mois que je suis en France.

Quand je suis arrivé en France en novembre 2018, j’ai fait des démarches pour être reconnu mineur, je suis passé devant un tribunal. Il a fallu presque neuf mois pour que je sois reconnu mineur. Pendant ce temps là, je vivais dehors alors que j’étais malade.

Franchement, je ne pensais pas que j’allais survivre. Je vomissais, je n’arrivais pas à manger. J’ai vu des médecins, j’ai pris des médicaments mais ça ne changeait rien. J’ai vécu comme ça plusieurs mois. Il y avait certains moments où je vomissais trois fois par jour. C’est pour ça que je dis que le virus ne me fait pas peur. J’ai finalement été reconnu mineur par le juge (statut de Mineur isolé étranger). J’ai été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance et logé dans un hôtel à Créteil.

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Maintenant je vais mieux et je vis dans un appartement avec six autres jeunes. On est tous Maliens et ça se passe très bien."

*Le prénom a été changé.


 

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