Un campement à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, regroupant une centaine de migrants a été démantelé mardi matin, sans qu'une mise à l'abri soit proposée aux exilés. Plusieurs associations affirment qu'ils ont été chassés de leur lieu de vie et que leurs tentes ont été lacérées par les forces de l'ordre. La préfecture d'Ile-de-France et la préfecture de police de Paris se renvoient la balle et rejettent la faute sur la Ville.
Mardi 7 avril, aux alentours de 9h du matin, un campement de migrants situé le long du canal Saint-Denis à Aubervilliers a été démantelé. Mais cette opération n'a pas été suivie d'une mise à l'abri, comme c'est le cas habituellement.
"Il semble que cette évacuation n'ait pas été préparée en amont : il n'y avait aucun interprète, aucune communication envers les exilés et aucune prise en charge", explique à InfoMigrants Louis Barda, coordinateur de Médecins du monde (MdM) à Paris, dont une équipe était présente lors de l'opération. "C'est à ma connaissance la première fois qu'un démantèlement a lieu à Paris sans solution d'hébergement", continue-t-il.
"Les migrants étaient désorientés"
La centaine de migrants qui vivaient sous des tentes le long du canal ont simplement été sommés de quitter les lieux. "Les policiers leur ont dit de retourner dans la capitale, à porte de la Chapelle. Or, quand ils y vont, ils sont systématiquement dispersés et repoussés de l'autre côté du périphérique. Où peuvent-ils aller ?", s'interroge Julie Lavayssière de l'association Utopia 56, également présente lors du démantèlement de mardi matin.
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Selon Louis Barda, "les migrants étaient désorientés, ne sachant pas où se rendre". D'autant que, selon les associations, les forces de l'ordre ont lacéré les tentes et détruit les effets personnels des migrants qui n'étaient pas sur place au moment de l'opération.
Une opération "initiée et organisée par la mairie d'Aubervilliers" ?
Mais alors, qui a ordonné ce démantèlement sans mise à l'abri ? La préfecture d'Ile-de-France et celle de police de Paris, contactées par InfoMigrants, affirment que cette opération a été "initiée et organisée par la mairie d'Aubervilliers sans le concours de la préfecture de Seine-Saint-Denis".
Or la maire d'Aubervilliers dément catégoriquement cette information. "Nous n'étions même pas au courant qu'une évacuation était mise en place", affirme la Ville à InfoMigrants. "Si on organise un démantèlement - qui d'ailleurs ne peut se faire qu'avec le concours d'une préfecture - on s'assure que tout le monde soit protégé. Chasser les gens de cette façon ne correspond pas à nos valeurs".
Lors d'une conférence de presse jeudi 9 avril, la préfecture de Seine-Saint-Denis a, pour sa part, indiqué que cette opération "n'était pas une évacuation". "Les forces de l'ordre ont invité les migrants à respecter l'arrêté préfectoral interdisant l'accès aux voies sur berge", a déclaré le préfet Georges-François Leclerc ajoutant que "s'il était nécessaire de mettre à l'abri (ces personnes), nous l'aurions fait".
"Violences policières"
Reste que depuis le démantèlement le 24 mars d'un campement à Aubervilliers regroupant des centaines de migrants, les exilés qui n'ont pas pu profiter des mises à l'abri ou qui ont quitté les gymnases mis à leur disposition sont régulièrement chassés de leur lieu de vie informel.
"On reçoit quotidiennement des témoignages nous racontant des violences policières : des jets de gaz lacrymogène, des tentes lacérées et même des coups de Taser quand les migrants refusent de sortir de leurs tentes", précise Julie Lavayssière.
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"On veut rendre les migrants invisibles alors on les disperse", note Louis Barda qui ajoute que mercredi matin, plusieurs migrants qui dormaient à la rue dans Paris ont été réveillés par les policiers qui leur ont demandé de quitter les lieux.
Les associations ne comptent pas en rester là. Médecins du monde assure notamment que le Défenseur des droits "va être alerté" de la situation.