Alors qu’une quarantaine de Somaliens ont été tués vendredi dernier au large du Yémen, ils sont plus de 255 000 à être installés dans ce pays de la péninsule arabique.
Une quarantaine de Somaliens dont des femmes et des enfants ont été tués vendredi 17 mars au large du Yémen pendant l’attaque de leur embarcation a fait savoir le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). De son côté, le Comité international de la Croix-Rouge parle de 29 blessés et de plusieurs disparus. L’embarcation transportait 150 Somaliens, tous réfugiés au Yémen. En effet, ils sont plus de 255 000 à être présents dans ce pays du sud de la péninsule arabique.
Appalling loss of life: 32 Somali refugees reported dead when their boat was attacked during hostilities off Yemen https://t.co/GCjDMhIRI5
— William Spindler (@SpindlerWilliam) 17 mars 2017
Le Yémen, terre d’immigration pour les Somaliens
La proximité géographique de la Somalie et du Yémen - à peine 40 km de distance par la mer - a fait du Yémen une terre d’immigration économique pour les Somaliens depuis des années, "au moins une décennie", estime William Spindler, un porte-parole du HCR contacté par InfoMigrants. Hormis les Somaliens, on compte aussi de nombreux Érythréens et Éthiopiens venus trouver refuge au Yémen. Depuis 2013, près de 290 000 migrants ont ainsi débarqués sur les côtes yéménites. Parmi eux, 80% étaient éthiopiens et les autres majoritairement somaliens.
Néanmoins, "on peut dire que le Yémen est un peu l’extension de la Somalie", explique Léonard Vincent, journaliste au service Afrique de RFI, les deux pays entretenant depuis longtemps des liens familiaux et économiques. "Un Somalien qui débarque au Yémen sait à qui s’adresser", précise le journaliste et auteur du livre Les Érythréens aux éditions Rivages.
Ainsi, avant la guerre civile au Yémen qui a débuté en 2015, les Somaliens et les Éthiopiens fuyant la famine et les persécutions étaient venus nombreux s’installer dans le pays pour y trouver du travail. En général, les femmes sont dans le secteur domestique et les hommes dans l’agriculture, ou sur les chantiers de construction. "Ils exercent les métiers dont les autres ne veulent pas, raconte William Spindler. Car les conditions demeurent très difficiles : on observe des cas d’exploitation et bien souvent d’abus sexuels", renchérit-il.
Bien que le conflit ravage le Yémen depuis près de deux ans et que 17 millions de personnes présentent des risques de famine selon le HCR, les migrants africains continuent d’affluer au Yémen. Sur la seule année 2016, près de 117 000 migrants africains sont entrés dans le pays, principalement venus de la Corne de l’Afrique.
(2/2) refugees + asylum seekers are increasingly resorting to move onwards from Yemen further north taking well established migratory routes
— UNHCR Yemen (@UNHCRYemen) 17 mars 2017
Flux inversés
Aujourd’hui, même si certains espèrent encore s’y installer, le Yémen est plutôt considéré comme un pays de transit dans le but d’atteindre les pays du Golfe. "En Arabie Saoudite, toutes les femmes de ménage sont érythréennes ou somaliennes", relève Léonard Vincent. L’immigration économique de ces personnes a donc muté du Yémen vers les pays du Golfe. "Mais la majorité des nouveaux arrivants restent coincés au Yémen à cause de la guerre, souligne le porte-parole du HCR. C’était sûrement le cas de ceux qui ont perdu la vie vendredi dernier. Ils ne s’attendaient sûrement pas à ce que la situation au Yémen soit si terrible". L’agence onusienne évoque des cas de violences physiques et sexuelles, de privation d’eau et de nourriture, d’enlèvements, de torture, de travail forcé aux mains des réseaux criminels…
C’est pourquoi le HCR a lancé en début d’année une campagne de sensibilisation sur les dangers de la migration vers le Yémen : "Un grand nombre de personnes qui entreprennent le voyage vers le Yémen ne sont pas conscientes des dangers qu’elles vont affronter. Les réseaux de passeurs minimisent les périls", écrit l’ONG dans un communiqué publié le 7 février.
Résultat : les migrants récemment arrivés dans le pays retournent d’où ils viennent. En 2015, ils étaient 80 000 à avoir fait le chemin inverse.
Certains se réinstallent dans leur pays malgré les conditions catastrophiques alors que d’autres empruntent différentes routes dans l’espoir d’atteindre l’Afrique du Nord ou l’Europe en passant par la Libye ou l’Égypte. "Il y en a même qui depuis la Somalie prennent un bateau pour le Soudan puis un autre bateau pour se rendre en Arabie Saoudite. L’accès terrestre vers l’Arabie par le Yémen étant devenu quasi-impossible", indique William Spindler.
Plus surprenant, la Corne de l’Afrique, habituellement terre d’exil se transforme en terre d’accueil avec un flot de migrants fuyant le Yémen. Ils seraient 20 000 Yéménites dans la région, toujours selon le HCR.