PASS, cliniques mobiles et autres lieux en lien avec la santé des populations précaires en Île-de-France sont davantage accessibles depuis que le déconfinement a commencé en France, il y a une semaine. InfoMigrants fait le point sur les activités et services de santé disponibles.
Alors qu'elles tournaient pour la plupart au ralenti depuis plus de deux mois, les Permanences d'Accès aux Soins (PASS), se remettent peu à peu en ordre de marche depuis que le déconfinement a été décrété en France, le 11 mai. Les précautions sanitaires et les gestes barrières y sont maintenus et les téléconsultations restent tout de même privilégiées, précise toutefois le ministère de la Santé et des Solidarités qui rappelle que le pays demeure en état d'urgence sanitaire jusqu'au 24 juillet.
Les PASS de médecine généraliste de l'hôpital Cochin à Paris et de celui de Poissy sont fermées (à la date du 15 mai), de même que la PASS psy d'Henri Mondor à Créteil. Toutes les autres PASS hospitalières d'Île-de-France sont ouvertes mais la plupart proposent des "services restreints" avec prise de rendez-vous souvent obligatoire, indique l'Agence de Santé régionale (ARS) qui met à jour les horaires et services régulièrement sur cette page. Y figurent également les modalités pour la petite dizaine de PASS dites "ambulatoires" présentes dans d'autres locaux en dehors des hôpitaux partout en Île-de-France. Dans tous les cas, il convient de joindre votre PASS par téléphone au préalable plutôt que de vous y rendre spontanément.
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L'ARS reconnaît que "les personnes précaires" sont aussi les "les plus fragiles face à l’infection et potentiellement contaminantes". "Il est donc nécessaire qu’elles puissent être accueillies en PASS pour éviter qu’elles ne renoncent aux soins ou qu’elles se présentent aux urgences en absence de symptômes graves." Dès le 24 mars, ce phénomène de rupture des soins inquiétait le Collège national des généralistes enseignants : "Une détérioration de la qualité des soins et de la surveillance de tous les patients fragiles et polypathologiques risque d’augmenter les hospitalisations et la mortalité liées aux autres causes que le Covid", écrivait-il dans un communiqué. Car si les PASS et autres services médicaux ont continué de fonctionner pendant le confinement, la majorité ont été totalement réorganisés, des opérations chirurgicales déprogrammées ou encore des traitements interrompus, les patients atteints du coronavirus étant priorisés.
Beaucoup de "pathologies de rue", peu de Covid
En première ligne, les populations migrantes qui de part leur accès restreint à l'information sont déjà souvent amenées à négliger leur santé. "Nous faisons des interventions d'urgence dans le cadre du Covid-19 dans les hébergements d'urgence et cette population n'est certainement pas informée correctement sur les mesures de déconfinement et la réouverture des services publiques, tant ils sont complexes", déplore Corinne Torre cheffe de mission France chez Médecins sans Frontières (MSF). L'ONG qui maintient ouvert son centre de jour à Pantin mais avec un personnel réduit affirme y avoir constaté "une baisse des admissions".
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Ses autres activités et services n'ont pas non plus cessé, "ils ont même augmenté ayant été pratiquement le seul acteur médical disponible sur le terrain pendant des semaines", confie Corinne Torre. "Nous avons augmenté nos cliniques mobiles en pratiquant cinq jours par semaine des consultations auprès des personnes précaires à la rue et des équipes mobiles composées de personnel médical ont été mise en place pour répondre aux demandes de sensibilisation et de soins dans des hébergements collectifs", ajoute-t-elle.
La clinique mobile de Médecins du Monde (MdM) a, elle aussi, tourné à plein régime pendant le confinement et depuis sa sortie, tout en adaptant son mode d'action à la situation : "On continue nos trois sorties par semaine sauf qu'au lieu de poser le camion sur un point stratégique et d'attendre que les patients arrivent, nous nous déplaçons maintenant avec un petit véhicule utilitaire sur cinq ou six sites différents à chaque fois, un peu comme une maraude", explique Louis Barda, coordinateur du programme d'accès aux soins des exilés en région parisienne de MdM. Comme avec le camion, un médecin, des médicaments et des interprètes sont présents. L'équipe n'hésite pas, raconte Louis Barda, à traverser les bretelles d'autoroute ou du périphérique à pied pour atteindre des micro-campements d'une dizaine de personnes à chaque fois. Au total, MdM affirme suivre environ 200 personnes actuellement à la rue dans le nord de Paris. Seuls quatre suspicions de Covid-19 ont été dénombrées lors des consultations depuis le début du confinement.
"On continue de faire surtout de la clinique de rue", poursuit Louis Barda. "Il s'agit principalement de personnes avec des problèmes dermatologiques à cause du manque d'accès à l'hygiène et à l'eau, des problèmes respiratoires à cause de la pollution et de la vie dehors, des problèmes gastriques à cause de la malnutrition, ou encore des maux de tête à cause du bruit." MdM et plusieurs associations demandent depuis plus de trois mois aux pouvoirs publics d'installer des sanitaires et un accès à l'eau pour les campements situés aux abords de la Porte d'Aubervilliers. Seule réponse des autorités : trois opérations de démantèlement les 7 avril, 15 avril et 8 mai, durant lesquelles bon nombre de migrants n'ont pas été placés en hébergement d'urgence et sont restés à la rue.
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Avec le déconfinement, les associations craignent désormais un durcissement de la situation, notamment d'autres démantèlements mais aussi des verbalisations pour non-respect du port du masque, obligatoire dans les transports en commun et peut-être à terme dans certains lieux publics. "Il y a un risque de discrimination pour un public qui n'a pas les moyens de s'en procurer", sinquiète Louis Barda de MdM. "Le masque jetable qu'il faut changer toutes les trois heures et pour 200 personnes, c'est ingérable. Et le masque lavable l'est encore moins puisqu'on parle d'une population qui n'a même pas accès à l'eau." Pour l'heure, MdM se contente de distribuer des masques au compte-goutte pour les patients qui ont vocation à être réorientés vers des hôpitaux à l'issue de leur consultation avec la clinique mobile.
La santé mentale délaissée
Autre inquiétude des associatifs : la santé mentale. Fermée depuis le confinement, la permanence psy de MdM dans le 12e arrondissement de Paris doit, pour l'instant, garder portes closes, regrette Louis Barda. "Nous avons maintenu un suivi de ces patients par téléphone pour ceux qui avaient déjà rencontré le psychologue, même si ce n'est pas optimal et moins qualitatif. En revanche, il n'y a pas de rendez-vous possible pour les nouveaux patients. De toute façon, avec la pression policière actuelle et les menaces de démantèlement, la santé psychologique passe malheureusement au second plan en ce moment."
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Du côté de l'ARS, les Équipes Mobiles Psychiatrie Précarité (EMPP) continuent de fonctionner, la plupart en mode dégradé, elles aussi. L'EMPP centre-est du 14e arrondissement, l'EMPP sud 92 de Bagneux ou encore l'EMPP la Cordée de Neuilly-sur-Marne ont indiqué à l'ARS une "reprise progressive" des rendez-vous, dont certains en présentiel. Dans les PASS psy de Paris (Saint-Anne), Diapasom à Etampes et Ville-Evrard à Neuilly-sur-Marne, une permanence téléphonique est assurée ainsi que des rendez-vous en téléconsultation. Seule la PASS psy Maxime Fourestier à Nanterre indique fonctionner "normalement".
Interrogé par InfoMigrants, le ministère de la Santé et des Solidarité a préféré rester prudent : "Nous ne pouvons présager de l’évolution de l’épidémie, et donc du retour à la normale des activités [des PASS psy et médecine générale]."
Infos pratiques :
- Clinique mobile de Médecins sans Frontières : 5 fois par semaine : l
undi (lieu variable en fonction des demandes et alertes des associations), m
ardi (Porte de la Villette), m
ercredi (Goutte d'Or Eglise Saint-Bernard, 18e arr.), j
eudi, (Grands Voisins, 14e arr.), vendredi
(Carreau du temple).
- Centre de jour MSF Pantin : 101 bis avenue Jean Lolive, 93500 Pantin. Lundi, mardi, jeudi vendredi de 9h à 17h.
- Clinique mobile de Médecins du Monde : 3 demi-journées par semaine (nord de Paris).
- Centre psy de MdM - Paris 12e : fermé (rendez-vous téléphoniques uniquement).
- Horaires et ouverture des PASS : régulièrement mis à jour sur le site de l'ARS Île-de-France.