La période de quarantaine s'est achevée pour environ 160 migrants retenus sur deux bateaux au large de Malte. Ils ne sont pourtant pas autorisés à rejoindre l'île et à bord, certains auraient tenté de se suicider. Malte attend qu'un accord de répartition des passagers soit conclu entre les pays de l'UE.
Le sort des 160 migrants bloqués au large de Malte depuis plus de deux semaines sur deux navires de tourisme du croisiériste Captain Morgan préoccupe l’ONU et l’ONG de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW).
À bord, se trouvent des personnes secourues en mer Méditerranée - dont 57 hommes sauvés par le navire commercial Dar El Salaam. Tous ont été placés en quarantaine depuis le 30 avril et le 7 mai dans les eaux territoriales maltaises. Les 14 jours de mise à l’écart préventif en raison des craintes d’une contagion du Covid-19 ont été dépassés à ce jour, mais ces migrants n’ont pas été autorisés à débarquer, hormis un groupe de 21 personnes, principalement des familles, des femmes et des enfants.
Tentatives de suicide à bord
Les conditions sur les deux navires de croisière semblent se dégrader. Alarm Phone, la plateforme téléphonique qui recueille les appels de migrants en détresse, a indiqué mardi 19 mai que des personnes à bord lui avaient signalé des tentatives de suicide et des grèves de la faim. Les prisonniers disent que "l'anxiété, le désespoir et la dépression ont augmenté" et qu'il n'y a pas suffisamment de soins de santé et de nourriture", a déclaré l'organisation.
SOS! Cries for help from Malta’s offshore prisons!
— Alarm Phone (@alarm_phone) May 19, 2020
For weeks, people rescued off Malta’s coast are kept on “Captain Morgan” ships. Some have found a way to reach out to us. They say that some started a hunger strike, others attempted to take their own lives out of desperation. pic.twitter.com/NomAG02OgD
"Ces bateaux, qui battent tous pavillon maltais, sont des navires de plaisance conçus pour de courtes croisières et non pour accueillir des personnes pendant de longues périodes", a alerté HRW, affirmant que les conditions de vie à bord "semblent se détériorer de manière significative".
Seule la France a accepté d’accueillir des migrants
Une inquiétude partagée par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR). Contacté par InfoMigrants, le HCR considère qu'"un bateau n'est pas un lieu pour accueillir des personnes ayant besoin d'une aide humanitaire". Le HCR demande à Malte et aux États européens de s’entendre sur un accord de répartition de ces migrants, afin de les “mettre en sécurité sur la terre ferme".
La "solidarité en période de Covid-19 est possible", rappelle l'ONU, qui indique que 17 migrants déjà présents à Malte ont été relocalisés vers la France mercredi 20 mai.
>> À lire : Comment fonctionne le "mécanisme européen de répartition" des migrants secourus en mer ?
La Valette refuse de laisser les migrants au large débarquer, tant qu'un accord européen ne garantit pas la répartition de ces personnes dans plusieurs pays d’accueil. Le gouvernement maltais a de nouveau appelé vendredi à la "solidarité de l'Europe”. "Malte est le plus petit État d'Europe, cela ne nous a pas empêché de faire tous les efforts possibles pour sauver des vies en mer. (...) Nous sommes prêts à remplir notre part, mais il est injuste de nous laisser porter seuls cette charge disproportionnée", a réagi Evarist Bartolo, ministre maltais des Affaires étrangères et européennes.
“On nous laisse seuls. Les mots de sympathie ne suffisent pas. Nous avons besoin d'une aide pratique. Nous avons besoin de délocaliser un certain nombre de migrants vers d'autres pays", a-t-il encore déploré.
Depuis 2005, Malte est dépassée par le nombre d’arrivées de migrants partis notamment de Libye, qui a augmenté de plus de 400 % en 2020 par rapport à l’an dernier. Or, sur les 3 405 personnes débarquées sur l'île en 2019, 2 795 sont toujours sur place, d’après les chiffres officiels. Seuls 8 % d'entre elles ont été transférées vers d'autres pays de l'Union européenne.
L’ONU demande de ne pas ignorer les appels de détresse en mer
Un système de relocalisation négocié et accepté par ces pays est "nécessaire d'urgence pour enfin sortir d'un cycle perpétuel de négociations et d'arrangements ad-hoc qui met en danger les vies et la santé des personnes", ont rappelé le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) jeudi.
Pour faciliter l’accueil des migrants en temps de crise sanitaire provoqué par le Covid-19, le HCR assure apporter son soutien aux États méditerranéens dont les capacités d’accueil ont été “encore plus mises à l'épreuve”, en assurant “le traitement efficace et rapide des nouveaux arrivants”.
Toutefois, l’ONU rappelle Malte et les pays méditerranéens à leur obligation de respect du droit international. Selon plusieurs rapports, ces États ont ignoré ou retardé les réponses aux appels de détresse, en particulier dans un contexte de forte diminution des capacités de recherche et de sauvetage des États et des ONG.
“Ces obligations [de secours immédiat] ne peuvent pas être échangées avec l'offre de carburant et d'aide. Les États doivent faire tout leur possible pour secourir rapidement les personnes en détresse, car un retard, même de quelques minutes, pourrait faire la différence entre la vie et la mort”, avertit le HCR.
L'organisation onusienne semble faire référence à un épisode récent, signalé par Alarm Phone, impliquant une navire de patrouille maltais. L’ONG accuse des militaires maltais d'avoir mis une centaine de personnes en danger, en fournissant du carburant et un nouveau moteur à ces migrants en difficulté sur leur canot pour leur permettre de gagner l'Italie.
BREAKING: Malta's Dangerous Manoeuvres at Sea exposed!
— Alarm Phone (@alarm_phone) May 20, 2020
Witness testimonies and video evidence gathered by #AlarmPhone suggest that the Armed Forces of Malta (@Armed_Forces_MT) endangered the lives of 101 people in distress before facilitating their arrival in Italy. 1/12 pic.twitter.com/6QU87PMffm