Plusieurs centaines de migrants ont été interceptés par les garde-côtes libyens ces derniers jours puis ramenés en Libye, annonce l'ONU, martelant que ce pays ne pouvait être considéré comme sûr pour y débarquer les rescapés. Un femme a donné naissance à bord de l'une des embarcations interceptées.
Ce que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) craignait est en train de se produire : avec le retour des beaux jours et des meilleures conditions de navigation, les tentatives de traversée de la Méditerranée depuis les côtes libyennes se multiplient. Ils sont des centaines à avoir pris le départ ces derniers jours. Parmi eux, une poignée est secourue par des navires humanitaires, la grande majorité étant interceptée par les garde-côtes libyens puis ramenée à son point de départ.
Entre jeudi et vendredi, plus de 300 migrants ont ainsi été stoppés dans leur périple et débarqués en Libye avant d'être renvoyés en centre de détention, a indiqué sur Twitter, Federico Soda, chef de mission de l'OIM Libye. "Bien que notre équipe fournisse une aide d'urgence lors des débarquements et dans les centres de détention, la sécurité de ces migrants, dont beaucoup retombent dans le même cercle de violences et d'abus, ne peut toutefois pas être garantie. Personne ne devrait être ramené en Libye", a-t-il plaidé.
Durant l'un des débarquements de vendredi à Tripoli, l'OIM a dénombré 270 personnes "dont 13 femmes et 23 enfants".
Over 300 migrants were returned to Libya in the past 48 hrs.
— Federico Soda (@fedsoda) June 26, 2020
While our staff provide emergency assistance upon disembarkation and in detention, the safety of these people cannot be guaranteed.
Many end up back in the same cycle of abuse.
No one should be returned to Libya. pic.twitter.com/tlMqknDcUW
Plus tard dans la nuit de vendredi à samedi, ce sont 93 personnes supplémentaires qui ont été ramenées sur le sol libyen alors qu'elles tentaient de rejoindre l'Europe sur une embarcation de fortune. Parmi elles, une femme a donné naissance à bord et six personnes ont péri pendant le voyage, a indiqué l'OIM, samedi, après avoir interrogé les rescapés au moment de leur débarquement dans la ville portuaire de Khoms, à 120 kilomètres à l'ouest de Tripoli. Cette fois-ci, tous ont été relâchés.
Puis dimanche, dans la soirée, l'OIM a de nouveau accueilli au port de la capitale libyenne un groupe de 184 migrants interceptés en mer, dont 14 femmes et 11 enfants.
🚨 Last night, 93 migrants were returned to Khums, #Libya by the coast guard.
— IOM Libya (@IOM_Libya) June 27, 2020
Among them was a woman who gave birth on the rubber dinghy.
Migrants reported to IOM staff that 6 people have died along the journey.
They were all released after disembarkation. pic.twitter.com/H0loZ7CnCU
Depuis l'offensive du maréchal Khalifa Haftar sur Tripoli en avril 2019, la situation sécuritaire s'est extrêmement détériorée, poussant toujours plus de migrants à vouloir fuir vers l'Europe. La pandémie de coronavirus a encore plus compliqué la situation, notamment en immobilisant temporairement les navires humanitaires qui sillonnent la zone de détresse et de sauvetage au large du littoral libyen.
>> À (re)lire : Migrants en détresse en mer : Frontex accusée d’alerter les garde-côtes libyens plutôt que les navires humanitaires
Malgré le retour de plusieurs ONG en mer, les garde-côtes libyens arrivent souvent en premier à la rencontre d'une embarcation en détresse. Ce fut notamment le cas pour l'embarcation des 93 migrants interceptés dans la nuit de vendredi à samedi, affirme Nicholas Romaniuk, coordinateur à bord de l'Ocean Viking de SOS Méditerranée, qui regrette l'absence de communication avec les garde-côtes libyens. "Nous étions à environ 1h30 de navigation de l'embarcation" quand ces garde-côtes sont intervenus.
"Il n'y a pas de coordination, pas de partage d'informations pour les opérations de sauvetage. Nous parlons de personnes qui étaient en train de mourir et d'un nouveau-né âgé de quelques heures", a-t-il commenté auprès d'un journaliste de l'AFP présent à bord.
📌L’#OceanViking en attente entre l’Italie & Malte depuis hier matin. Jusqu’ici, aucune réponse des autorités maritimes aux 2 demandes d’attributions de lieux sûrs pour le débarquement des 118 personnes secourues le 25/06 en zone SAR maltaise & italienne ainsi qu’en zone maltaise pic.twitter.com/BVLB8OVxep
— SOS MEDITERRANEE France (@SOSMedFrance) June 29, 2020
L'Ocean Viking, qui attend actuellement l'autorisation de pouvoir débarquer 118 rescapés à Malte ou en Italie, se trouvait à 153 miles nautiques de l'embarcation lorsque l'équipe affirme avoir reçu l'appel de détresse.
Selon l'OIM, plus de 100 000 migrants ont tenté de traverser la Méditerranée l'année dernière. Au moins 1 200 d'entre eux ont péri.