Les chantiers de désamiantage sont soumis à des règles sécuritaires strictes afin de limiter les risques de propagation dans l'air des particules d'amiante cancérigènes. Crédit : Pixabay
Les chantiers de désamiantage sont soumis à des règles sécuritaires strictes afin de limiter les risques de propagation dans l'air des particules d'amiante cancérigènes. Crédit : Pixabay

Ali* est Afghan. Il est arrivé en France en 2015. Il est employé par une société française de désamiantage depuis deux ans. Mais il estime qu’il n’est pas assez protégé au travail. Témoignage.

“Bétonnage, peinture… Depuis que j’ai obtenu ma carte de séjour en 2016, j’ai fait plein de petits boulots dans le bâtiment. Il y a deux ans, j’ai trouvé ce contrat à durée indéterminée (CDI) dans une société de désamiantage à Lyon. Ce contrat m’a apporté un peu stabilité et j’ai pu déposer un dossier pour obtenir un logement social.

Pendant le confinement, on n’a pas pu travailler pendant un mois, et bien que je sois en CDI, le patron ne m’a pas payé. Ça n’est pas la première fois que ça arrive. Quand il y a des baisses d’activités pendant plusieurs mois il ne me verse pas de salaire. Je crois que ça n’est pas légal mais je n’ose rien dire. Je ne parle pas assez bien français pour me défendre et surtout je ne veux pas me retrouver au chômage. C’est tellement difficile de trouver un emploi en France, surtout quand tu ne maîtrises pas bien le français. Alors je baisse la tête, je reste silencieux et j’attends que ça passe.

"Le masque qu’on me donnait était usagé"

Il y a six mois sur un nouveau chantier, on m’a donné mes équipements de protection contre l’amiante [substance hautement cancérigène] et je me suis rendu compte que le masque qu’on me donnait était usagé. J’ai demandé un masque neuf et on m’a répondu que j’en aurai un lendemain. Six mois plus tard, j’utilise toujours le même masque usagé.

Je me suis aussi rendu compte que j’avais perdu du souffle quand je joue au football. Je ne sais pas si c’est dû au travail. Sous le masque en permanence chaque jour je me demande si je ne manque pas d’oxygène. Parce que j’ai l’impression que je respire moins bien. Je suis allé voir un médecin du travail, qui m’a été recommandé par l’entreprise de désamiantage. Mais je n’ai pas vraiment confiance. Il faudrait aller voir un autre médecin. Mais quand bien même, je ne peux pas me passer de ce contrat. J’en ai besoin.

"C’est très dur pour moi d’être ici sans mes enfants" 

J’envoie de l’argent tous les mois pour mes deux fils qui sont restés en Iran. Omid* et Bahman* ont 5 ans et 9 ans. C’est pour eux que j’ai quitté l’Iran pour la France, où je suis arrivé en 2015 après deux mois sur la route en passant par la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, puis l'Autriche et l'Allemagne. Je voulais leur garantir un meilleur avenir qu’en Iran, où les Afghans comme nous n’avons pas de droits. Tous les mois j’envoie 700 000 tomans [142 euros] pour leur payer des cours. On paie une dame Afghane pour leur faire l’école, car les autorités refusent de les inscrire à l’école avec les autres enfants iraniens. Tous les mois, je dois me débrouiller, trouver des passagers qui vont en Iran pour acheminer cet argent, parce qu’à cause de l’embargo on ne peut même pas faire de virement bancaire.

C’est très dur pour moi d’être ici sans mes enfants. Quand j’ai quitté l’Iran à l'automne 2014, j'avais un emploi, j'étais ouvrier dans une société qui transformait le mazout brut en goudron. J’ai laissé ma femme et les garçons auprès de mes parents, également installés à Ispahan [ville du centre de l’Iran] et j’ai dit à ma femme : 'Sois patiente, dès que j’aurais des papiers en Europe, je viendrai te chercher'. Malheureusement elle n’a pas tenu le coup. Elle a voulu se séparer quelques années après mon départ. Au téléphone je l’ai suppliée de rester : 'Attends-moi, attends que j’ai mes papiers, je viendrai te chercher…'. Mais elle a quitté le foyer et elle a laissé les enfants à mes parents.

>> À (re)lire : France : des Maliens sans-papiers employés de chantier obtiennent des compensations pour discrimination

Ça devient très difficile pour mes parents de s’occuper des garçons. Omid* et Bahman* ont trop souffert de notre séparation. Je veux les faire venir ici, c’est une priorité. J’ai embauché un avocat. Ensemble nous avons entamé des démarches.

Avec le logement social, je pourrais accueillir les enfants dans de bonnes conditions. J’arrêterai le désamiantage et je commencerai une formation en plomberie."

*Les prénoms ont été modifiés.

 

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