Un énorme incendie a ravagé dans la nuit de mardi à mercredi le camp de Moria sur l'île grecque de Lesbos. Le site, qui héberge plus de 12 000 personnes, a été "détruit à 99%" selon les pompiers. La tension est à son comble sur l'île : des migrants ont empêché les pompiers de rentrer dans le camp et des membres de l'extrême droite ont "attaqué" les ONG qui tentaient de venir en aide aux exilés.
Le camp de Moria où s'entassent plus de 12 000 migrants a pris feu dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 septembre. Selon les pompiers, le site a été presque entièrement détruit. "La quasi-totalité du camp est en feu, aussi bien à l'intérieur que les tentes qui se trouvent à l'extérieur dans l'oliveraie", a observé un photographe de l'AFP présent sur place. "Tout brûle", a déclaré sur Twitter une association d'aide aux migrants, Stand by me Lesvos.
Plusieurs heures après le début de l'incendie, une fumée noire continuait à s'élever au dessus du camp. Le président du syndicat des pompiers de Lesbos, Yorgos Ntinos, a indiqué mercredi matin que le camp "a brûlé à 99% et le feu continue".
#EU #RIC #Moria #Lesvos burning. Witness reports explosions and screams, speculates there are some people stuck in the middle of the fire, says a man told him he saw two persons burning. Other witness says most people got out. Imprisoned minors allegedly released by police. pic.twitter.com/0wem6QAL55
— Michael Räber (@iwatnew) September 9, 2020
Des centaines de demandeurs d'asile fuyaient à pied dans la nuit vers le port de Mytilène mais ont été bloqués par les véhicules des forces de l'ordre, raconte à InfoMigrants Alpha*, un migrant vivant dans un conteneur du camp de Moria. "On n'a pas dormi de la nuit et personne ne nous a donné à manger ou à boire. Il y a beaucoup de femmes et d'enfants", précise-t-il.
D'autres personnes se sont abritées dans les collines environnant le camp. "Certains témoignages rapportent que des locaux bloquent le passage (des migrants) dans le village voisin", rapporte encore Stand by me Lesvos.
Le site d'information locale Lesvospost explique que plus de 3 000 tentes, des milliers de conteneurs, des bureaux de l'administration et une clinique au sein du camp ont également été brûlés.
Madness in #Moria after six months of forced lockdown for health safety measures while rest of island goes back to life for summer season. Our students have lost everything... again!!! https://t.co/Xgk5HJX6xM
— Douglas Herman (@dfherman) September 9, 2020
Pour l'heure, les pompiers précisent qu'"il n'y a pas de victimes, mais quelques blessés légers avec des problèmes respiratoires dus à la fumée". Des rumeurs annonçaient mercredi matin le décès d'au moins cinq personnes - une information que n'a pas pu vérifier InfoMigrants."Je pense que d'autres morts seront à déplorer car Moria est à terre", souffle Alpha.
État d'urgence déclaré
La tension est à son comble sur l'île. Les pompiers affirment dans leur communiqué avoir "été empêchés d'entrer dans le camp pour intervenir" par certains groupes de réfugiés, et avoir fait appel aux forces de l'ordre pour pouvoir poursuivre l'opération de secours. Plusieurs associations racontent avoir été "attaquées" par des membres de l'extrême droite alors qu'elles tentaient de venir en aide aux migrants.
"L'île de Lesbos est déclarée en état d'urgence" a affirmé sur la chaîne de télévision publique ERT, le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas. Une réunion gouvernementale, avec le Premier ministre et le chef de l'état-major, doit se tenir mercredi matin "pour examiner la situation à Moria et les mesures qui vont être prises".
„Es ist die Nacht, in der #Moria zum Boden brennt,“ sagt ein Freund. „Ich stehe mitten im Feuer und kann es nicht fassen, was hier geschieht.“
— Franziska Grillmeier (@f_grillmeier) September 8, 2020
Dieses Video ist von ihm. pic.twitter.com/8YpfJCuZhe
D'après l'agence de presse grecque ANA, les feux auraient été déclenchés à la suite de la révolte de certains demandeurs d'asile qui devaient être placés en isolement, ayant été testés positifs au coronavirus ou proches d'une personne détectée positive. "Il y a 35 cas positifs et ils doivent être isolés (...) pour empêcher la propagation" du virus, a déclaré Selios Petsas à la chaîne publique TV ERT. Tous les réfugiés du camp ont l'interdiction de quitter l'île, a-t-il ajouté.
Selon Alpha, "des Afghans ont refusé que des agents procèdent à des tests de coronavirus". La situation a rapidement dégénéré et "les forces de l'ordre ont lancé des gaz lacrymogènes". "J'étais dans mon conteneur quand j'ai entendu du bruit à l'extérieur. Je n'ai pas voulu sortir. Mais des flammes ont commencé à entrer dans mon habitation alors je me suis enfui en courant. Le feu était juste à côté de moi, j'ai eu très peur", continue le jeune homme.
"La zone paie le prix de l'indifférence et de l'abandon", estime sur Facebook Facebook l'association des habitants de Moria et des autres villages environnants qui appelle les autorités à agir rapidement pour trouver une solution pour les demandeurs d'asile qui se retrouvent sans abri.
La semaine dernière, les autorités ont détecté un premier cas de coronavirus à Moria et ont mis le camp en quarantaine pour quinze jours. Après la réalisation de 2 000 tests de dépistage, 35 personnes ont été détectées positives au Covid-19 à Moria et mises à l'isolement.
De strictes mesures de circulation ont été imposées dans les camps de migrants depuis la mi-mars. Le gouvernement n'a jamais levé ces restrictions malgré les critiques des ONG de droits de l'homme jugeant ces mesures "discriminatoires" alors que la décision a été prise de déconfiner le pays début mai. "Depuis des mois, on est bloqués à l'intérieur du camp, on ne peut pas en sortir. Cela fait un moment que la tension est palpable, les gens ont en marre d'être privés de leur liberté", dit encore Alpha.
*Le prénom a été modifié