Des centaines de militants et d'exilés ont manifesté samedi à Calais pour dénoncer l'arrêté qui interdit aux associations de distribuer de la nourriture aux migrants. La veille, le Conseil d'État a refusé de suspendre le texte estimant que "cette interdiction n'empêche pas les associations de réaliser leurs missions à proximité immédiate du centre-ville".
Les associations d'aide aux migrants de Calais maintiennent la pression deux semaines après la publication de l'arrêté interdisant aux humanitaires de distribuer de la nourriture aux exilés présents dans le centre-ville. Samedi 26 septembre, des centaines de personnes ont manifesté à Calais pour dénoncer le texte et les conditions de vie des migrants à l'approche de l'hiver.
Selon l'AFP, environ 250 militants et exilés ont battu le pavé sous la pluie. Les associations évoquent, elles à InfoMigrants, le double de participants. "Au départ, on était un peu plus de 200 mais au fil de la journée, la marche a grossi", assure Juliette Delaplace du Secours catholique.
Le Conseil d'État ne suspend pas l'arrêté
La veille, le Conseil d'État, saisi en urgence par les associations, a refusé de suspendre l'arrêté préfectoral qui fait polémique, tout comme le Tribunal administratif de Lille quelques jours plus tôt. Le Conseil d'État déclare dans un communiqué que l'interdiction "n'empêche pas les associations de réaliser leurs missions à proximité immédiate du centre-ville" et que "l'interdiction de distribution est strictement limitée aux zones définies par le préfet".
Le juge des référés "observe tout d'abord que l'État a mis en place, à l'est de l'agglomération, des points d'eau et des toilettes, et procède, par l'intermédiaire de l'association la Vie active, à des distributions de boissons et de nourriture" mais aussi que l'interdiction prononcée "ne prive pas les associations de la possibilité d'exercer leur mission, en dehors de la zone interdite par l'arrêté, y compris à proximité des lieux de vie des migrants".
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"Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d'État, qui ne s'est pas prononcé sur le caractère justifié et proportionné de l'interdiction, a estimé qu'il n'y avait pas d'urgence à ordonner, dans le délai de 48 heures prévu en matière de référé-liberté, la suspension de l'arrêté préfectoral", explique encore le communiqué.
Le même jour, quatre députés de la France insoumise (LFI) ont mené une action symbolique en apportant des paniers-repas à des migrants de Calais. Les élus ont fait l'objet d'un contrôle d'identité et se sont vu dresser quatre procès-verbaux, qu'ils n'ont pas signés, a indiqué le député LFI Ugo Bernalicis, en expliquant ne pas reconnaître qu'il s'agissait d'une infraction.
Estimant que les repas distribués "légalement" par l'association la Vie active, mandatée par l'État, "étaient moins élaborés" que ceux servis par les autres associations, Ugo Bernalicis a déploré "l'entrave sanitaire opérée par la préfecture et la mairie de Calais, qui empêchent de nourrir convenablement les migrants".
L'arrêté "est constitutif d'une discrimination fondée sur la nationalité"
Jeudi 24 septembre, la Défenseure des droits avait elle aussi dénoncé le texte après avoir effectué une visite de deux jours dans la ville. "En privant les exilés de l'accès à un bien - la distribution de repas -, la mesure de police contestée est constitutive d'une discrimination fondée sur la nationalité", a fustigé Claire Hédon. "L'accès à la nourriture, à l'eau et à l'hygiène est difficile et complexe", a-t-elle ajouté.
"Certains exilés n'arrivent pas à manger tous les jours. Les distributions de repas, à horaires variables et pas toujours respectés, sont parfois éloignées des lieux de vie", continue la Défenseure des droits.
Durant sa visite, Claire Hédon a constaté "la volonté d'invisibiliser les exilés à Calais", où environ 1 200 à 1 500 migrants désireux de rallier la Grande-Bretagne, dont des femmes et des nourrissons, "dorment à même le sol, cachés sous des buissons, quelles que soient les conditions climatiques".
"Au moment même où la Commission européenne" a dévoilé mercredi son projet de refonte de la politique d'asile, "la Défenseure des droits souhaite que les discussions s'ouvrent enfin sur les voies légales de l'immigration et exhorte les pouvoirs publics à ne pas s'obstiner dans ce qui s'apparente à un déni d'existence des exilés qui, présents sur notre territoire, doivent être traités dignement, conformément au droit et aux engagements internationaux qui lient la France".
Dimanche, une énième expulsion de campements de migrants a eu lieu "malgré la pluie et le vent", signale sur Twitter le collectif Human rights observers (HBO). "Six tentes, des couvertures et des bâches ont été saisis. Une personne n'a pas eu le droit de récupérer ses chaussures", alertent les militants qui affirment que "les droits fondamentaux ne sont toujours pas respectés". Selon HBO "pas moins de 750 expulsions" ont été recensées à Calais depuis le début de l'année.