Dans le nouveau camp de l’île grecque de Lesbos, les enfants traumatisés doivent être suivis par des psychiatres et prennent des médicaments pour supporter leurs traumatismes.
Nour, 17 ans, se souvient avec douleur de l’incendie dans le camp de Moria, sur l'île grecque de Lesbos, en septembre. Lorsque les flammes se sont emparées du site, la jeune Syrienne raconte avoir demandé à sa mère de l’abandonner pour qu’elle puisse mourir.
Comme d’autres mineurs – et ils sont de plus en plus nombreux – Nour prend des antidépresseurs. Elle vit désormais dans le nouveau camp de Lesbos.
Dans les semaines qui ont suivi la destruction de Moria, quasiment tous les mineurs non accompagnés ont été transférés vers la Grèce continentale. Mais il reste encore de nombreux enfants sur Lesbos et sur d’autres îles grecques.
Selon Greg Kavarnos, un psychologue de Médecins sans frontières (MSF) travaillant avec des demandeurs d’asile à Lesbos, les enfants font partie de ceux qui risquent le plus de souffrir à long terme de problèmes de santé mentale.

"Les enfants sont résistants aux chocs et peuvent rebondir, mais ils sont aussi dans une phase où leur caractère et leur personnalité se développent", explique le psychologue.
"S’ils traversent des expériences traumatisantes à cet âge, celles-ci vont façonner leur personnalité ou leur caractère dans le futur, ce qui peut conduire à des difficultés à long terme."
Nous sommes entrain de créer une génération d’enfants qui vont être dépendants de médicaments psychotropes pour le reste de leur vie
Les enfants dans les camps sont de plus en plus résignés. Selon Greg Kavarnos, ils sont désespérés de voir leurs parents pris au piège et dans l’incapacité de prendre une décision ou une action.
"Quand un enfant de huit ans s’est déjà résigné, quelles seront les conséquences quand il aura 12, puis 16 ans ? Si un enfant de huit ou 10 ans doit prendre des psychotropes pour contrôler ses symptômes, quelles seront les conséquences sur sa vie ?"
Lorsqu'un traumatisme n’est pas pris en charge, le trouble psychiatrique devient chronique, s'inquiètent les ONG.
"Alors que faisons-nous ? Nous sommes entrain de créer une génération d’enfants qui vont être dépendants de médicaments psychotropes pour le reste de leur vie."

"Nous avons tous des problèmes mentaux à cause de Lesbos"
Karima d’Afghanistan prend également des antidépresseurs, elle a des difficultés pour dormir. La plupart des membres de sa famille, dont ses petites filles de deux et trois ans, étaient sur un bateau parti de Turquie avant de chavirer en mer Égée. Ils ont pu être sauvés et conduits vers Lesbos. Pendant environ deux ans, ils ont vécu dans le camp de Moria.
Le fils de Karima, Rahullah, témoigne de la situation : "C’était un moment très grave. Des gens sont morts, ils se sont noyés, ils se sont entretués. Nous n’avons pas dormi. Alors maintenant nous avons des problèmes mentaux, tous autant que nous sommes, juste à cause de Lesbos."
La sœur de Rahullah, mère de deux petites filles, s'est taillée les veines. Son mari a été tué en Afghanistan.

Un autre jeune demandeur d’asile, Ahmad*, 25 ans, a fait le voyage seul depuis l’Afghanistan. Il dit avoir tenté par deux fois de mettre fin à ses jours.
Partir comme seule solution
L’International Rescue Committee, qui propose une assistance psychiatrique et psychologique aux demandeurs d’asile de Lesbos, tente d’aider par des séances de conseil et des médicaments.
Mais selon Marthe Roussou, même si certains commencent à s’en sortir, "la seule solution durable est de les faire quitter cet espace traumatisant dans lequel ils vivent."
"Peu importe la quantité de médicaments que vous donnez à une personne, si cette dernière est constamment traumatisée par ses expériences, vous aurez tout le temps une longueur de retard", renchérit le psychologue Greg Kavarnos. "Je ne peux rien faire concernant les traumatismes actuels. Je ne peux pas leur dire que les choses vont aller mieux, parce que je ne sais pas si les choses vont s’améliorer pour eux."
***Pour trouver de l'aide :
En Grèce, un numéro vert est ouvert pour aider ceux qui ont des pensées suicidaires : 1018
Vous pouvez aussi trouver d’avantage d’informations ici : http://suicide-help.gr/
*Le prénom a été modifié.
Traduction : Marco Wolter