La livraison de plats à domicile fait partie de ces activités ayant connu une forte croissance à cause des mesures de restrictions sanitaires. Le nigérian James Osawe est l’un des milliers de livreurs à Rome. La chaîne allemande ZDF l’a accompagné pendant l’une de ses tournées.
James Osawe enfile son casque de vélo, son masque de protection et un gros sac à dos de livraison vert flashy sur les épaules. Il fait partie des quelque 8.000 livreurs à domicile à parcourir les rues de Rome chaque jour. Ce soir là, la pluie fait briller les vieux pavés de la capitale italienne.
Le Nigérian de 28 ans est arrivé en Italie il y a déjà quatre ans. Il a désormais un bon niveau en italien. "La circulation à Rome est absolument catastrophique", explique-t-il au reporter Andreas Postel, de la chaîne de télévision publique allemande ZDF, qui accompagne James Osawe pendant l’une de ses tournées du soir.

"Il y a trop de voitures ici, la plupart des personnes ne suivent pas les règles et les voitures vous surprennent en permanence en déboulant des moindres recoins de la ville", poursuit James Oswae. Son impression ne surprendra pas quiconque a déjà visité la capitale italienne. Mais avec la pandémie, le passage devant les nombreux monuments connus de la ville semble toutefois moins animée.
Les commandes ont explosé
Le Nigérian arrive chez l’un de ses clients. Chiara ouvre la porte pour récupérer sa commande en portant un masque au motif peau de serpent. "Ces derniers temps nous commandons beaucoup nos repas", dit-elle. "Je suis étudiante donc je passe la plupart de ma journée à l’intérieur. Je ne sors pas très souvent, même si j’aimerais bien", déplore-t-elle, dans une ville ou les températures agréables permettent en temps normal de passer ses soirées à l’extérieur sur l’une des nombreuses terrasses de café ou de restaurant.

"En soirée, je préfère commander quelque chose, comme ça je peux continuer à étudier", conclut Chiara. Et tant mieux pour James Osawe, puisque chaque commande livrée peut lui permettre d’obtenir davantage d’heures de travail auprès des compagnies de livraison.
Le classement est déterminant
Il s’agit d’une sorte de classement. Si la nuit à été calme, le livreur perd des places et reçoit moins de missions les jours suivants en attendant qu’il remonte dans le classement.
Ce système met les livreurs sous une pression constante. James Osawe a perdu des points récemment après un accident de la route. Il avait glissé sur la chaussée. "J’ai seulement 93 points en ce moment et ce soir, comme c’est un mardi, on m’a seulement donné deux heures de travail. Demain j’en aurai deux et demie et samedi probablement quatre heures de livraison."

James Osawe fait une halte sur la Piazza Venezia pour regonfler les pneus de son vélo électrique. Il se dépêche car chaque minute est précieuse et risque de lui faire perdre à nouveau des points au classement. "C’est la première fois que j’ai un pneu dégonflé", constate-t-il, dépité. "Mais parfois la vie est comme ça. De la même manière on ne sait pas quand ont peut faire un accident mortel", dit-il tout en gardant le sourire.
Précarité
La vie est précaire pour les livreurs comme James Osawe. Le représentant de l’Union italienne des commerçant Michael Popescu explique que les grands services de livraison veulent "autant des livreurs que possible dans les rues. Mais cela veut dire que lorsqu’il y a moins de commandes, il y a moins de travail pour chaque livreur."
Quand James Osawe a traversé la Mer Méditerranée pour venir en Europe, il pensait que la vie ici serait meilleure que la réalité qu’il vit actuellement. "Après être arrivé en bateau, j’ai passé un peu de temps en Sicile. Puis je suis parti à Rome dans un centre pour réfugiés ou j’ai eu la chance d’obtenir tous les documents nécessaires pour avoir une vie meilleure."

Et lorsque le coronavirus a frappé l’Italie, les choses sont devenues encore plus difficiles pour des migrants et des réfugiés comme James Osawe. Avec son travail de livreur, il peut espérer gagner entre 600 et 700 euros par mois à condition que les commandes soient au rendez-vous. Avec des loyers relativement élevés à Rome, cela ne lui laisse pas beaucoup de marge pour couvrir toutes les autres dépenses.
"Un gladiateur en vélo électrique"
Lors de sa dernière livraison, le Nigérian fait monter la pizza en la posant simplement dans l’ascenseur pour éviter tout contact inutile. L’ascenseur revient avec un pour-boire de 5 euros posé au sol. Ce sera malheureusement le seul pour-boire de toute la soirée pour James Osawe.
"Plus qu’une minute et je dois me déconnecter", dit-il avec un haussement d’épaules. "Après ça, je rentre chez moi. J’espère qu’il y aura un peu plus de commandes demain."
Il ferme l’application et reprend la route pour renter chez-lui. Le chemin le fait passer devant le Collisée. "James Osawe sera de retour demain pour une nouvelle bataille en tant que gladiateur en vélo électrique dans cette ville éternelle", concluent les reporters.

Cet article est basé sur un reportage d’Andreas Postel pour la chaîne ZDF