Dimanche, environ 200 migrants, dont des femmes et des enfants, encadrés par des collectifs, ont occupé une ancienne école du XVIe arrondissement de Paris pour réclamer leur mise à l'abri. Les associations présentes sur place revendiquent ces "opérations réquisition" en plein hiver et en pleine pandémie. En fin de soirée, la mairie de Paris, réactive, les avait tous relogés dans deux gymnases.
Il était 13h30, dimanche 24 janvier, quand un peu plus de 200 personnes - des demandeurs d’asile, des sans-papiers, des réfugiés… - sont entrées dans une école maternelle désaffectée, à l’abandon, de la rue Erlanger dans le très chic 16e arrondissement de Paris. "En début d’après-midi, nous avons investi les lieux avec des familles, des hommes, des enfants pour faire réagir les autorités sur le mal-logement", explique à InfoMigrants Yann Manzi, fondateur de l'association Utopia 56.
À l'intérieur, le plafond est en partie éventré, les dalles arrachées, et de vieux dessins d'enfants pendant aux murs rappellent que l'école maternelle est vide depuis deux ans, comme le soulignent les associations et collectifs Utopia 56, Solidarité migrants Wilson, Droit au logement (DAL) et CSP75 (Coordination des sans-papiers de Paris), qui ont monté cette opération de "visibilisation".
N’avoir "nulle part où aller"
"Nous ne voulons pas qu’ils restent là, le lieu n’est pas adapté, mais une école abandonnée c’est toujours mieux que la rue", se justifie Yann Manzi, qui précise que l'établissement fait partie des 489 lieux signalés comme libres à l'État pour une mise à l'abri, dans le cadre du "collectif réquisition" monté par les quatre associations.
Philippe Caro, membre du collectif Solidarité migrants Wilson revendique la réquisition à Paris de nombreux logements vides, "pas ceux des particuliers, mais des bâtiments institutionnels qui ne servent plus" et où les migrants "pourraient être à l'abri du froid et de la pandémie".
Parmi les migrants présents ce jour-là dans l'école, il y avait des femmes et des enfants, "des familles que notre association prend en charge chaque soir", détaille Yann Manzi, d’Utopia 56. "Il y avait aussi des migrants qui étaient présents le soir de l'évacuation de la Place de la République [le 23 novembre 2020]". Les associations ont comptabilisé de nombreux Afghans, des personnes de la Corne de l'Afrique aussi.
Abbas Asghari, un Afghan de 25 ans, est arrivé il y a un mois pour demander l'asile, il n’a "nulle part où aller", explique-t-il à l’AFP. "Ca fait quatre jours que, dehors, la police me déchire la tente. Donc j'espère que ça va faire changer les choses et que je vais pouvoir dormir au chaud".
Ouverture par la Mairie de deux gymnases
Alertée par cette opération, la ville de Paris n’a pas tardé à réagir. En fin d’après-midi, dimanche, Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement et de l'hébergement d’urgence, a fait le déplacement rue Erlanger. Pour répondre à cette crise immédiate, deux gymnases dans le 16e et dans le 5e arrondissement ont été ouverts en urgence "pour dépanner", précise l'adjoint, l’école n’étant "pas chauffée, ni sécurisée".
"Il n'en reste pas moins que l'hébergement des réfugiés est une compétence de l'État et il faudra donc que ses services prennent le relais et proposent des solutions durables à ces personnes", a insisté Ian Brossat.
En tout, l'opération réquisition aura duré une douzaine d'heures. Un temps pendant lequel, les migrants ont pu prendre un repas chaud, dans le calme, alors que la neige tombait à gros flocons dans la capitale. "C’est vrai que nous étions entassés dans cette école et qu’en période de Covid, ce n’est pas l’idéal. Mais qu’est-ce qu’on aurait dû faire ? Les laisser geler dehors ?", se défend encore Yann Manzi.
"Quand la police n’est pas là, tout se passe bien"
En fin de soirée, les associations ont toutes salué la non-présence policière. "Tout s’est très bien passé pendant la journée, et lors de la mise à l’abri. Des hommes de la Protection civile de Paris étaient là, mais pas les forces de l’ordre. Il n’y a pas eu de bousculades, d’émeutes, de tensions", a déclaré Philippe Caro du collectif Migrants Wilson, présent sur les lieux. "En fait, quand la police n’est pas là, tout se passe bien", ironise-t-il.
Vers 21h, un bus est arrivé pour commencer les allers-retours vers les deux gymnases. "C’était un peu long, puisqu’il n’y avait qu’un bus, et il faisait froid. Mais au moins tout le monde a pu dormir au chaud ce soir-là", continue Philippe Caro. "Les derniers migrants ont rejoint le gymnase à pied, mais personne n'est resté à la rue."
Les associations ont prévenu les autorités : les opérations "réquisition" de ce type se multiplieront si l’État et la mairie "ne prennent pas leurs responsabilités". "On va surveiller ce qui se passe. On va surveiller les remises à la rue. On va surveiller la fin de la trêve hivernale", énumère Yann Manzi, d’Utopia 56. "Qu’ils soient prévenus, on surveille tout".