Des demandeurs d'asile le 31 janvier dans la caserne de Napier dans le sud-est de l'Angleterre. Crédit : Picture alliance
Des demandeurs d'asile le 31 janvier dans la caserne de Napier dans le sud-est de l'Angleterre. Crédit : Picture alliance

Un demandeur d'asile hébergé dans la caserne de Napier dans le sud-est de l'Angleterre a obtenu, mardi, une ordonnance de transfert par la justice. Une décision qui ouvre la porte à d'autres exilés dans ce site où ils sont des centaines entassés dans des conditions insalubres. Au moins 120 d'entre eux ont été testés positifs au Covid-19 mi-janvier.

Les autorités britanniques ont 24 heures pour évacuer un demandeur d'asile hébergé à la caserne controversée de Napier à Folkestone, dans sud-est de l'Angleterre, a décrété mardi 2 février la Haute cour de justice du pays. Le juge a estimé que le plaignant avait su démontrer "avec force" que ses conditions de logement étaient inadéquates et l'exposaient notamment au risque de contracter le Covid-19. Depuis la mi-janvier, au moins 120 de 400 demandeurs d'asile hébergés à la caserne ont été testés positifs au virus.

"Cette décision est la bienvenue à la fois pour notre client mais aussi pour les autres demandeurs d'asile actuellement hébergés à la caserne Napier qui peuvent désormais demander à être transférés sur la même base", s'est félicitée Emily Soothill de la firme Deighton Pierce Glynn, interrogée par le quotidien The Guardian. D'autres avocats ont d'ailleurs lancé en urgence des procédures auprès de la Haute cour demandant le transfert d'au moins quatre autres demandeurs d'asile.

>> À (re)lire : "J'ai peur de mourir ici" : en Angleterre, des cas de Covid recensés dans un centre pour migrants bondé

Bridget Chapman, porte-parole de l'association locale Kent refugee network, n'est pas surprise par cette décision de justice, qui elle l'espère elle aussi, devrait ouvrir la porte à d'autres demandeurs d'asile logés dans la caserne. "Nous avons toujours soutenu que ce site n'était absolument pas adapté à des personnes vulnérables et souvent traumatisées. Que ce soit dans leur pays d'origine ou sur la route de l'exil, certains ont été victimes de torture, de violences, d'autres ont été injustement emprisonnés. Les forcer à rester enfermés dans un lieu comme la caserne de Napier va avoir un impact négatif énorme sur leur santé mentale", alerte-t-elle dans un entretien accordé à InfoMigrants.

Lui-même victime de traite, le plaignant venant d'obtenir gain de cause est arrivé en août 2020 au Royaume-Uni et était hébergé à la caserne de Napier depuis septembre 2020. Bien que le Home Office, équivalent britannique du ministère de l'Intérieur, ait accepté de le transférer dans un autre logement le 19 janvier 2021, l'homme était toujours en attente. 

"La situation sur place est pire que jamais"

Devant la Cour, son avocate a pu apporter la preuve de conditions de vies "dangereuses et insalubres" dans lesquelles il vit depuis des mois : manque de chauffage, proximité des résidents entassés parfois par dizaines par dortoir, toilettes cassées, lavabos hors d'usage ou encore espaces de vie bondés. Un incendie survenu le 29 janvier avait même contraint le plaignant à dormir sur un matelas à même le sol dans un autre dortoir plein à craquer malgré la pandémie.

Bridget Chapman confirme : "La situation sur place est pire que jamais. Les coupures intermittentes de chauffage et d'électricité rendent le lieu glacial et humide. La cuisine a été fermée, on ne distribue plus que des sandwichs aux résidents. Et les personnes malades du Covid sont toujours mélangées dans les dortoirs à celles qui n'ont pas contracté le virus".

>> À (re)lire : Royaume-Uni : incendie "volontaire" dans le centre d'hébergement de Napier, 14 migrants arrêtés

Outre le cluster découvert mi-janvier, des grèves de la faim, des manifestations, et même des tentatives de suicide ont été rapportées ces derniers mois sur le site décrit comme une véritable prison dans laquelle les migrants ont interdiction de sortir en raison, dit le Home Office, des mesures de confinement en vigueur en Angleterre.

"Toutes nos structures sont sûres et sécurisées"

Le gouvernement a d'ailleurs fait valoir devant la Haute cour que ces mêmes mesures ne permettaient pas de transférer une personne en dehors de la caserne en pleine pandémie. Mais le tribunal a rétorqué que des exceptions pouvaient être faites pour éviter de nuire davantage aux demandeurs d'asile de la caserne et que le transfert devait avoir lieu dans les prochaines heures.

Une mesure qui semble difficilement applicable pour le gouvernement. Selon The Guardian, un porte-parole du Home Office a déclaré que "tous les demandeurs d'asile devaient être examinés avant de pouvoir être placés dans un logement spécifique pour des raisons de protection et de vulnérabilité". Et de marteler malgré la controverse : "Toutes nos structures d'hébergement pour demandeurs d'asile sont sûres et sécurisées, les résidents reçoivent trois repas par jour et tout cela est payé par le contribuable."

>> À (re)lire : Royaume-Uni : une centaine de demandeurs d'asile évacués d'un centre infecté par le Covid

Une plainte a été déposée mercredi auprès du rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des migrants demandant de prendre des mesures urgentes pour garantir que le gouvernement britannique se conforme au droit international et en particulier à la Convention de Genève sur les réfugiés. Les militants, dont ceux du Kent refugee action network, plaident eux pour une évacuation urgente de l'ensemble des demandeurs d'asile de la caserne ainsi que leur relogement dans un établissement "approprié à leurs besoins et à la situation sanitaire".

 

Et aussi