Le Mare Jonio, navire humanitaire de l'ONG italienne Mediterranea Saving Humans. Crédit : Ansa
Le Mare Jonio, navire humanitaire de l'ONG italienne Mediterranea Saving Humans. Crédit : Ansa

Le Mare Jonio de l'ONG Mediterranea a-t-il accepté un chèque de 125 000 euros contre la prise en charge d'une trentaine de migrants bloqués, entre août et septembre dernier, sur un navire commercial danois ? C'est ce que soupçonne la justice italienne qui a mené d'importantes perquisitions, mardi. Mediterranea dément et dénonce "une croisade personnelle" du procureur de Raguse, en Sicile.

"Des spéculations qui vont fondre comme neige au soleil". L'ONG Mediterranea Saving Humans, qui affrète le navire humanitaire Mare Jonio, est soupçonnée par la justice italienne d'avoir reçu de l'argent du géant danois du transport maritime AP Moeller-Maersk après avoir recueilli des migrants bloqués à bord d'un de ses cargos entre août et septembre dernier. Dans un communiqué diffusé mardi 2 mars, Mediterranea qui dément formellement ces accusations, décrit une énième attaque des autorités italiennes contre les ONG qui portent secours aux migrants en détresse en Méditerranée.

"Ce matin à l'aube, une vaste opération de police contre Mediterranea Saving Humans a été menée. Le parquet de Raguse (en Sicile) a exécuté des mandats de perquisition impliquant des dizaines d’agents dans toute l’Italie : à domicile, dans les centres sociaux et sur notre bateau Mare Jonio", détaille l'ONG qui dénonce "une croisade personnelle" dirigée par le procureur de Raguse. "Les accusations sont graves mais la véritable cible sont les opérations de sauvetage en mer que Mediterranea mène depuis 2018 à travers sa compagnie maritime, Idra social shippping, qui fournit à l'association son navire et gère ses équipages et ses équipements."

Les ONG de secours aux migrants opérant entre la Libye, Malte et l'Italie sont souvent critiquées dans la péninsule, certains les accusant d'inciter les migrants à tenter la traversée de la Méditerranée et même de collusion avec les trafiquants de migrants. Jusqu'ici cependant, les preuves recueillies dans diverses affaires n'ont pas permis d'arriver à un procès. Mais ces derniers mois, plusieurs navires humanitaires, comme l'Ocean Viking ou le Sea Watch 3, ont été bloqués par les garde-côtes italiens pour des motifs de sécurité.

Cette fois-ci, ce sont des soupçons de corruption qui sont invoqués : le navire commercial Maersk Etienne aurait ainsi versé 125 000 euros à Idra, la société qui chapeaute Mediterranea, juste après que l'ONG eut récupéré en août 27 migrants ayant passé 38 jours sur l'un des cargos du transporteur danois dans des conditions extrêmement pénibles. Alors que l'Italie et Malte refusaient de prendre en charge les naufragés, le Mare Jonio de Mediterranea les avait récupéré à son bord afin de les accueillir dans de meilleures conditions le temps qu'ils puissent être débarqués. Il s'agit, à ce jour, du plus long blocage de migrants au large des côtes européennes.

Les 125 000 euros perçus n'ont "rien à voir" avec le sauvetage de migrants, selon Mediterranea

Dans un communiqué, l'entreprise AP Moeller-Maersk a indiqué ne "pas avoir été contacté par les autorités dans le cadre de cette enquête", tout en se disant "prêt à fournir une aide à tout moment".

Le chef de mission de Mediterranea, Luca Casarini, a déclaré dans le quotidien italien La Repubblica que les 125 000 euros en question n'avaient "rien à voir" avec les activités de secours aux migrants. "Nous pouvons le prouver", a-t-il ajouté, affirmant que cette somme correspondait à un paiement pour une mission de consultation sur la gestion des ports. La somme a été versée environ un mois après le transferts des migrants naufragés du Maersk Etienne vers le Mare Jonio.

Luca Casarini, ainsi que le skipper de Mediterranea et l'armateur du Mare Jonio pourraient faire face, selon La Repubblica, à des accusations d'association criminelle visant à favoriser l'immigration illégale et de violation du code maritime.

 

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