Les Taliban ont annoncé vendredi contrôler 85 % du territoire afghan. L’avancée des insurgés à la faveur du retrait des troupes américaines inquiète la population afghane dont une partie cherche déjà un moyen de fuir. Les pays frontaliers se préparent à un afflux de réfugiés.
Alors que l’armée américaine devrait avoir terminé son retrait d’Afghanistan au 31 août, le pays s'enfonce dans une nouvelle spirale de violence. Les Taliban ont annoncé vendredi 9 juillet qu’ils contrôlaient 85 % du territoire afghan.
Si l’annonce fait indéniablement partie de la propagande talibane, les avancées du groupe insurgé sont bien réelles. Fin juin, ils ont conquis plusieurs dizaines de districts que les forces gouvernementales afghanes n’ont pas pu défendre. Mardi 6 juillet, ils ont lancé leur premier assaut contre une capitale provinciale, Qala-i-Naw, dans le nord-ouest de l’Afghanistan.
Face à ces conquêtes rapides, les pays frontaliers se préparent à devoir accueillir une nouvelle vague de réfugiés fuyant les violences.
Environ un millier de tentatives d’entrée en Iran par jour
D'après un porte-parole du ministère des Réfugiés et des Rapatriements, contacté par InfoMigrants, environ un millier de personnes tentent chaque jour de rejoindre l’Iran voisin.
Selon Médecins sans frontières (MSF), entre 12 000 et 20 000 réfugiés afghans sont entrés en Iran au cours du mois de juin. Avec l’intensification de la violence, ces chiffres pourraient devenir bien plus importants au cours des prochaines semaines.
Sarah Château, responsable de MSF en Afghanistan et en Iran, interrogée fin juin par InfoMigrants, estime que le nombre de réfugiés afghans en Iran pourrait franchir la barre des 150 000 personnes dans les prochaines semaines.
Face à cet afflux, les autorités iraniennes ont sollicité MSF pour assister les services gouvernementaux dans la gestion du flux de réfugiés.
À l'intérieur du pays aussi, les mouvements de population sont importants. Le ministère rappelle que le conflit en Afghanistan a déjà déplacé environ 6 000 familles au cours des deux dernières semaines du mois de juin. Au total depuis le début de l'année, le nombre de déplacés internes a atteint les 220 000, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies.
Civils et militaires au Tadjikistan
D'autres pays frontaliers, cette fois-ci au nord de l'Afghanistan, doivent également faire face à d’importantes arrivées de réfugiés. Environ 1 000 personnes, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées ont franchi début juillet la frontière du Tadjikistan pour se mettre à l’abri côté tadjik de la province du Badakhchân.

Après des affrontements dans le nord-est de l'Afghanistan avec les Taliban, un millier de soldats afghans ont également fui au Tadjikistan dans la nuit de dimanche 4 à lundi 5 juillet. Selon les autorités afghanes, 2 300 soldats - qui avaient aussi abandonné leurs positions face à l'avancée talibane - ont été sommés de revenir sur le sol afghan.
Les Taliban ont pris fin juin le contrôle de la principale route de sortie de l'Afghanistan vers le Tadjikistan, un axe névralgique dans les relations économiques avec l'Asie centrale. La veille, ils avaient encerclé la ville clé de Kunduz, située sur cet axe.
Camp en Ouzbékistan
Autre pays frontalier du nord de l’Afghanistan, l’Ouzbékistan se prépare lui aussi à l’arrivée de milliers de réfugiés. Un camp a déjà été installé à l'extérieur de la ville de Termez, près du port de Hairatan à la frontière afghane, rapporte le site Eurasianet. Mais selon le correspondant sur place de ce média en ligne, les 80 tentes qui ont été installées seraient encore vides et destinées à être utilisées en cas d’urgence.
L’Ouzbékistan fait partie des trois pays (avec le Tadjikistan et le Kazakhstan) à qui Washington a demandé d’accueillir temporairement quelque 9 000 Afghans ayant travaillé avec l’armée américaine en Afghanistan et qui pourraient être menacés par les Taliban, selon l’agence de presse Bloomberg.
Cette installation provisoire aurait pour but de mettre les ex-employés de l’armée américaine en sécurité le temps que leurs dossiers de demande de visas américains soient étudiées.
Lors d’une conférence de presse, un porte parole du département d’État américain a déclaré que ces personnes et leurs familles "auront la possibilité d'être relocalisées en dehors de l'Afghanistan avant la fin de notre retrait militaire d'ici septembre" pour achever leur processus d'immigration, rapporte Bloomberg.
Au cours des deux dernières années, les violences des Taliban ont, en tout, entraîné le déplacement de 3 millions d’Afghans, a révélé le 8 juillet Ghulam Bahauddin Jilani, chef de l'Autorité afghane de gestion des catastrophes.