A l'heure où quatre pays membres de l'UE demandent à la Commission européenne de continuer à renvoyer les Afghans vers leur pays d'origine, le chef du bureau du gouvernement afghan pour les réfugiés, Mher Khuda Sabar, plaide pour l'inverse. Contacté par InfoMigrants, il insiste auprès de l'UE pour suspendre les expulsions. "La situation n'est pas bonne en Afghanistan", déplore-t-il.
"La situation en Afghanistan n'est pas bonne en ce moment". À l’heure où quatre États membres de l’UE* demandent à l'exécutif européen de maintenir les rapatriements de migrants afghans, les autorités afghanes plaident l’inverse.
Contacté par InfoMigrants lundi 9 août, le directeur général des États d'urgence du ministère des réfugiés en Afghanistan, Mher Khuda Sabar, a insisté pour que l’Europe suspende immédiatement les expulsions d’Afghans vers leur pays d’origine.
Mher Khuda Sabar rappelle que la situation dans le pays est catastrophique. "Les jeunes fuient le pays. Ceux qui en ont les moyens quittent l'Afghanistan. Aujourd’hui, les files d’attentes devant les portes des administrations et des ambassades ont considérablement augmenté. Tout le monde attend un passeport ou un visa [pour partir]".
"Nous insistons à nouveau : arrêter les renvois"
Et d’insister. "Nous avons déjà écrit aux pays européens pour leur demander d'arrêter les expulsions. Nous insistons à nouveau : la situation en Afghanistan n'est pas bonne en ce moment. Nous demandons à l'UE d'arrêter les renvois jusqu'à ce que nous parvenions à un accord de paix avec les Taliban et que nous puissions accueillir [les Afghans expulsés] dans de bonnes conditions".
Au mois de juillet, le gouvernement de Kaboul avait en effet déjà appelé les pays européens à cesser les expulsions pendant trois mois. Suite à cet appel, la Suède et la Finlande avaient suspendu leurs renvois dans le pays.
Quatre pays de l'UE plaident pour maintenir les expulsions
Alors que les combats s'intensifient en Afghanistan, quatre Etats membres de l'UE ont pourtant demandé à la Commission européenne de ne pas suspendre les expulsions de migrants afghans.
Les gouvernements belge, danois, grec et autrichien souhaitent que l'exécutif européen plaide auprès de Kaboul pour maintenir les rapatriements de migrants afghans.
Les quatre pays craignent un appel d’air : "L'arrêt des retours envoie un mauvais signal et est susceptible de motiver encore plus de citoyens afghans à quitter leur domicile pour l'UE", affirment-ils dans une lettre envoyée le 5 août, dont une copie est parvenue à l'AFP. Hors de question, selon eux, de différer des retours. Les quatre pays demandent à la Commission "d'engager un dialogue intensifié avec les partenaires afghans sur toutes les questions migratoires urgentes, y compris une coopération rapide et efficace en matière de retour".
>> À (re)lire : France : doit-on craindre un rejet des demandes d’asile d'Afghans ?
Selon les quatre pays, l’actuelle offensive des Taliban ne justifie pas l’arrêt des expulsions. "Ce n'est pas parce que les régions d'un pays sont dangereuses que chaque ressortissant de ce pays a automatiquement droit à une protection", a déclaré sur Twitter Sammy Mahdi, secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration en Belgique. "Les Afghans qui, après une enquête approfondie et indépendante, semblent n'avoir aucun besoin d'asile, ne peuvent pas rester en Belgique."
Avancée des Taliban, massacres de civils
Les Taliban ont lancé début mai une large offensive contre les forces afghanes, à la faveur des opérations de retrait définitif des forces internationales d'Afghanistan, prévu pour s'achever fin août.
Avançant à un rythme effréné, les Taliban contrôlent désormais cinq des neuf capitales provinciales du Nord (six sur 34 au total dans tout le pays) et des combats sont en cours dans les quatre autres. Cette avancée s’accompagne de violences envers la population civile. Les ambassades américaine et britannique à Kaboul ont accusé, le 2 août, les Taliban d'avoir "massacré des dizaines de civils" à titre de représailles dans le district de Spin Boldak, dans le sud de l'Afghanistan, dont ils se sont emparés le 14 juillet.
Selon une responsable de Médecins sans frontières (MSF) en Afghanistan et en Iran, interrogée fin juin par InfoMigrants, le nombre de réfugiés afghans en Iran devait franchir la barre des 150 000 personnes dans les prochaines semaines.
Depuis le début de l’année, 1 200 personnes ont été renvoyées en Afghanistan depuis l'UE, dont 1 000 étaient "volontaires" et 200 "forcées", selon une source européenne.
En 2020, les Afghans constituaient 10,6% des demandeurs d'asile dans l'UE (un peu plus de 44 000 sur quelque 416 600 demandes), le deuxième groupe derrière les Syriens (15,2%), selon l'agence statistique de l'UE Eurostat.
*Le 10 août 2021, six pays demandaient le maintien des expulsions vers l'Afghanistan. L'Allemagne et les Pays-Bas ont revu leur position le lendemain et décidé de suspendre les renvois vers Kaboul.