Après plusieurs refus de visas pour la France, Nadia a finalement pu être évacuée de Kaboul par un vol français le 23 août. Aujourd’hui en quarantaine dans un hôtel de région parisienne, elle a raconté à InfoMigrants le jour où, en quelques heures, elle a dû laisser toute une vie derrière elle.
De 2011 à 2012, Nadia*, 28 ans, a travaillé comme caissière dans un magasin d’une base militaire française, à Kaboul. Menacée depuis des années à cause de cet emploi, la jeune femme avait sollicité, en vain, en 2019, un visa auprès du ministère des Armées.
Ces derniers mois, Nadia se sentait de plus en menacée, avait-elle confié à InfoMigrants. Après la prise de pouvoir des Taliban à Kaboul le 15 août, elle s’est sentie prise au piège. Avec l’aide d’avocats français, elle a pu être inscrite sur un vol pour la France. Une petite semaine après son arrivée à Roissy, elle a raconté à InfoMigrants son départ précipité, les menaces auxquelles elle a fait face et son déchirement de ne pas pouvoir partir avec sa famille.
"Dimanche 22 août, l’ambassade de France m’a appelée pour me dire que j’avais l’autorisation de venir à l’aéroport. Je suis partie de chez moi avec ma famille. Nous étions un groupe de 11 personnes, dont cinq enfants. Je pensais qu’avec le document que m’avait envoyé l’ambassade de France, il serait facile de rentrer dans l’aéroport. Mais il y avait beaucoup de monde. Nous avons passé la nuit derrière la porte de l’aéroport sans pouvoir entrer.
Le lendemain matin, les Taliban ont sauvagement repoussé tout le monde. Nous sommes rentrés chez nous.
À deux heures du matin on y est retourné. Comme le jour d’avant, il y avait une foule qui attendait toujours derrière la porte. Nous avons attendu longtemps. Quelques heures plus tard, les Taliban ont commencé à repousser les gens. J’avais mon neveu dans mes bras. Un Taliban s’est jeté sur nous et nous a fouettés. Il voulait nous tirer dessus. Mais, soudain, son fusil est tombé. Le temps qu’il le récupère, nous avons pu nous sauver. Les gens couraient dans tous les sens et le Taliban n’a pas pu nous retrouver parmi la foule.
"Le sort de ma famille m'inquiète"
Je me suis réfugiée avec ma famille dans une boutique. Le commerçant nous a dit d’essayer de rentrer dans l’aéroport par une autre porte. C’est là que nous sommes allés à la porte qui s’appelle 'Abbey Gate'. On a traversé un fossé plein d’eau sale. Il y avait des soldats de l’autre côté du mur. Tout le monde leur montrait des documents pour être évacué. Je voulais que les membres de ma famille soient évacués aussi. Mais les soldats ne leur ont pas permis de rentrer, car seul mon nom figurait sur les documents.
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Après avoir quitté l’Afghanistan, j’ai passé une nuit à Abu Dhabi. Le lendemain, mardi, je suis arrivée à Paris. Actuellement, je suis hébergée dans un hôtel. Je suis dans une chambre avec une autre Afghane.
Je suis très contente d’avoir été évacuée mais le sort de ma famille m’inquiète beaucoup. Ils sont restés à Kaboul. Tous nos voisins savent que j’ai quitté le pays parce que je travaillais avec les Français. Cela pourrait mettre la vie de ma famille en danger. J’espère trouver un moyen de les faire partir du pays.
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Pour l’instant, je ne sais pas trop quoi faire. Je suis confuse. J’aimerais apprendre le français dès que l’occasion se présente. À Kaboul, j’étais sage-femme. J’aimerais exercer le même métier en France aussi. Si je dois retourner faire des études ici pour pouvoir travailler, je le ferais avec plaisir."
*Le prénom a été changé.