Le ressortissant irakien de 26 ans a été condamné pour aide à la migration illégale.. Crédit : préfecture de la Manche et de la mer du Nord.
Le ressortissant irakien de 26 ans a été condamné pour aide à la migration illégale.. Crédit : préfecture de la Manche et de la mer du Nord.

Un ressortissant irakien de 26 ans, installé en Allemagne, a été condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal de Boulogne-de-Mer. Du matériel de navigation avait été retrouvé quelques jours plus tôt dans sa voiture par la police.

Il est très tôt, ce lundi 13 septembre, lorsque la police aperçoit un homme qui décharge du matériel de son véhicule, aux abords de la plage de Wimereux. Interpellé, cet Irakien de 26 ans est emmené en garde à vue. Pendant son audition, il avoue avoir bien transporté deux valises, contenant une embarcation pneumatique et son plancher. Deux gilets de sauvetage ont également été retrouvés dans son véhicule. Et les données de son téléphone révèlent par ailleurs qu'il a effectué, en juillet, deux trajets entre l'Allemagne, où il réside, et la Côte d'Opale.

Jugé en comparution immédiate quelques jours plus tard par le tribunal de judiciaire de Boulogne-sur-Mer, le prévenu irakien tentera de se défendre. Il explique être endetté et vouloir payer l'arrivée de sa femme en Europe, avec les 400 euros touchés par trajet.

Devant les magistrats, l'homme dit regretter son acte. "Je vais me faire virer de mon travail, et je suis sûr que ma femme va me quitter. J'ai honte de moi. Je suis désolé" a-t-il déclaré, en pleurs, relate l’AFP. Son avocate, Me Bachira Hamani-Yekken, a mis en avant "le diplôme, le travail et le casier judiciaire vierge" de son client. "Lorsque vous avez les passeurs au-dessus de vous et qu'on vous promet une somme d'argent contre un dépôt de matériel, on ne pense pas forcément aux conséquences", a-t-elle plaidé.

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"Évidemment que ce n'est pas lui qui a organisé tout ceci", a concédé la procureure. "Mais en mettant (ces bateaux) à disposition de ces personnes migrantes sur la plage, il leur permet de partir en mer", a-t-elle poursuivi, jugeant "totalement suicidaires" ces traversées. Considérant le prévenu comme un "maillon de la chaîne", elle a requis 10 mois de prison avec maintien en détention et une interdiction du territoire de trois ans.

Il a finalement été condamné à un an de prison avec sursis pour aide à l’entrée ou au séjour irréguliers, et interdit de territoire français pendant trois ans.

Un bateau, du carburant, et des gilets de sauvetage dans la voiture

Les arrestations de passeurs présumés ont été nombreuses cet été dans la région. Début août, deux personnes, de nationalité irakienne également, ont été jugées par le tribunal de Dunkerque pour avoir acheminé des migrants sur des points d’embarquement par voie maritime. Plusieurs traversées effectuées depuis la côte auraient permis à plus 150 personnes de rejoindre le Royaume-Uni sur des embarcations de fortune depuis le début du mois de juillet. Se décrivant, eux aussi, comme "des candidats au passage, à la solde des passeurs", ils ont été condamnés à dix mois de prison ferme et interdits de territoire français pour une durée de cinq ans.

La semaine dernière, la police locale a interpellé, cette fois, deux ressortissant polonais dans la zone des dunes de la Slack. Ces passeurs présumés venaient de déposer une douzaine d’individus, a indiqué la police nationale du Pas-de-Calais sur Twitter. Repérés dans un fourgon roulant à vive allure, les passeurs ont ensuite été appréhendés. "À l’arrière, se trouvaient un bateau semi-rigide, 60 litres de carburant, un moteur de 50 cv, et des gilets de sauvetage. Le fourgon et le matériel ont été enlevés avec mesures conservatoires", ont fait savoir les forces de l’ordre.

Le 11 août, un homme sénégalais a lui aussi été interpellé par les policiers. Dans sa voiture, contrôlée au péage de Setques, les policiers ont retrouvé un bateau pneumatique, un moteur à bateau, un réservoir, un bidon d’essence et deux rames. Il a été condamné le 17 août par le tribunal de Saint-Omer à douze mois de prison avec sursis et à une interdiction de séjour dans le Dunkerquois, le Calaisis et le Boulonnais, peut-on lire dans La Voix du Nord.

"Jusqu’à 40 tentatives, de jour comme de nuit"

Depuis 2018, les traversées de la Manche à bord de petites embarcations n’ont cessé d’augmenter. Cette année, encore davantage. Depuis le 1er janvier 2021, 1 206 tentatives de traversée ont été dénombrées sur le littoral par la préfecture du Pas-de-Calais, et 639 d’entre elles ont été interceptées en amont de la mise à l’eau. Ce qui représente environ 12 000 migrants. L’institution comptabilise aussi 567 tentatives de traversées qui n’ont pas pu être empêchées, soit un total de 14 000 migrants.

Pour les endiguer un important dispositif policier a été déployé sur la côte française, entre Wimereux et Ambleteuse. Et d’après le préfet Louis Le Franc, celui-ci n’est pas prêt de quitter les lieux. Sur les plages et dans les dunes de la Slack, l’objectif des forces de l’ordre est, entres autres, d’interpeler les passeurs. "Aujourd’hui, [ils] se sont professionnalisés. Ils hésitent de moins en moins à organiser des traversées simultanées en small boat. Ça peut aller jusqu’à quarante tentatives, de jour comme de nuit, quand la météo s’y prête", assure le préfet du Pas-de-Calais dans une interview à La Voix du Nord, le 10 septembre.

Depuis le 1er janvier, les autorités ont démantelé 25 réseaux de passeurs, à l’origine de traversées en mer et sur route. "Il y a des Français, des Belges, des Allemands, des Néerlandais, des Égyptiens, des Syriens, des Iraniens, des Afghans, des Polonais, des Roumains… Des gens qui préparent le passage depuis leur pays d’origine", explique aussi Louis Le Franc.

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En juillet 2020, Gérald Darmanin et son homologue britannique, Priti Patel, avaient annoncé la création d'une "cellule franco-britannique de renseignement" dédiée. Composée de six policiers britanniques et six policiers français, elle est basée à Coquelles, près de Calais. "Les passeurs qui profitent de la détresse humaine [des migrants] ne sont, sans doute aujourd'hui, pas encore assez sanctionnés", avait-t-il alors estimé.

Interrogé par InfoMigrants, Gaël Manzi de l'association Utopia 56 avait, lui, déploré que "comme d'habitude, on fait des passeurs une priorité alors qu'on ne s'occupe pas des problèmes de fond". "La lutte contre les passeurs c'est l'épouvantail que les politiques agitent pour faire peur à l'opinion publique et qui permet de justifier une politique de répression encore plus forte".

 

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