Des milliers de militaires sont déployés à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Crédit : Picture alliance
Des milliers de militaires sont déployés à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Crédit : Picture alliance

Dans la nuit de jeudi à vendredi, la Pologne a prolongé de 60 jours l'état d'urgence décrété début septembre à sa frontière avec la Biélorussie, longue de 418 km. Les autorités affirment que nombre de migrants qui franchissent la frontière ont des liens avec des "groupes radicaux ou criminels".

Le parlement polonais a donné son accord, dans la nuit de jeudi 30 septembre à vendredi 1er octobre, pour prolonger l’état d’urgence à la frontière polono-biélorusse pour 60 jours supplémentaires. La requête du gouvernement, déjà approuvée par le président, a été soutenue par 237 députés conservateurs et nationalistes, face à 179 voix contre et 31 abstentions, dans un vote retransmis en direct à la télévision.

Un décret avait été publié le 2 septembre pour introduire cette mesure exceptionnelle d’une durée initiale de 30 jours, de crainte d’un flux massif de migrants. "La situation à la frontière est difficile et dangereuse [...] Nous devons prendre de telles décisions et assurer la sécurité de la Pologne et de l'UE", avait alors déclaré le porte-parole du président, Blazej Spychalski.

Devant la presse, le ministre polonais de l’Intérieur Mariusz Kaminski a affirmé lundi 27 septembre que nombre de ceux qui franchissaient la frontière avaient des liens avec des "groupes radicaux et criminels". Sur un groupe de 200 premiers migrants "vérifiés en profondeur" dans des centres de détention fermés sur le territoire polonais, "cinquante portaient sur eux des preuves de leur radicalisme", a-t-il dit. "Certains d’entre eux sont liés soit à des Taliban, soit à [l’organisation] État islamique", d’autres "à des groupes criminels".

"Crise humanitaire"

Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, entre janvier et septembre 11 500 personnes "ont tenté de prendre d'assaut" la frontière polonaise depuis la Biélorussie voisine, dont 1 500 ont été arrêtées à l'intérieur du pays.

Les ONG polonaises critiquent cet état d'urgence, qui les empêche d'aider les migrants et interdit l'accès à tous les non-résidents, y compris les journalistes. Le groupe polonais d’aide aux réfugiés uchodzcy.info a mis en garde jeudi 23 septembre contre une "crise humanitaire" à la frontière, alors que les températures se refroidissent, et a exhorté le gouvernement à autoriser l’accès des ONG.

Entre le 19 et le 24 septembre, cinq migrants sont morts à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, longue de 418 km.

La Commissaire européenne aux Affaires étrangères s’est dit lundi "très inquiète" par ces cinq décès recensés en seulement quelques jours. "Nous devons aider la Pologne à protéger ses frontières mais il est aussi important d’éviter que des gens perdent la vie à ces frontières", a insisté Ylva Johansson lors d’un échange avec des journalistes. "Il est totalement inacceptable que des gens meurent à nos frontières extérieures".

Refoulements "illégaux"

Quelques jours plus tôt, l’Union européenne (UE) avait demandé à la Pologne d’autoriser des représentants de Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, à se rendre à sa frontière avec la Biélorussie. "Il est essentiel pour la Pologne de remplir efficacement ses fonctions de gestion des frontières. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de la vie humaine", avait estimé un porte-parole de la Commission européenne lors d'une conférence de presse vendredi 24 septembre.

La Pologne, qui dispose de l'une des plus grandes forces de garde-frontières d'Europe, a répondu qu’elle maitrisait la situation et qu’elle n’avait pas invité Frontex à intervenir sur le terrain. Pour renforcer sa sécurité, le pays a en effet déployé depuis cet été près de 1 500 soldats en soutien aux garde-frontières. Varsovie a également entrepris la construction d'un mur pour tenter de rendre sa frontière hermétique.

La Pologne accuse la Russie et la Biélorussie d'être à l'origine de cette vague d'immigration clandestine. L'Union européenne y voit une forme de représailles aux sanctions imposées par l'UE contre la Biélorussie à la suite de la répression de l'opposition par le régime de Minsk.

>> À (re)lire : "Cette nuit-là, il ne faisait que trois degrés" : en Pologne, les refoulements des garde-frontières mettent en péril la vie des migrants

La plupart des migrations irrégulières vers l'Union européenne passent par la Méditerranée. Le phénomène est sans précédent pour les États orientaux de l'UE, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne.

Les militants des ONG, documents à l’appui, accusent la Pologne de pratiquer des refoulements, empêchant les exilés de présenter des demandes d'asile et les forçant à revenir en Biélorussie. Des "pushback" qui "mettent des vies en danger et sont illégaux au regard du droit international", rappellent dans un communiqué l’Organisation internationale des migrations (OIM) et le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).

 

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