Les forces de l'ordre ont démantelé le camp de Grande-Synthe, mardi 16 novembre. Crédit : capture d'écran d'Utopia 56
Les forces de l'ordre ont démantelé le camp de Grande-Synthe, mardi 16 novembre. Crédit : capture d'écran d'Utopia 56

Le campement de fortune installé à Grande-Synthe dans le nord de la France, et dans lequel vivaient près de 1 500 migrants, a été démantelé mardi matin "sur instruction" du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Utopia 56 dénonce une "mise à l'abri forcée" et la destruction des affaires personnelles des migrants.

Les forces de l’ordre ont entamé mardi 16 novembre, vers 8h, le démantèlement d’un campement de plus d'un millier de migrants à Grande-Synthe, dans le nord de la France.

"Sur mon instruction, les forces de l’ordre procèdent à l’évacuation du campement illicite de migrants à Grande-Synthe ce matin", a twitté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. "Merci aux policiers et aux gendarmes mobilisés, ainsi qu’aux agents de la préfecture du Nord qui assurent leur mise à l’abri", a-t-il ajouté.

Selon les associations présentes, le dispositif policier était "hallucinant". "Je n'ai jamais vu un tel déploiement des forces de l'ordre pour Grande-Synthe", explique Anna, coordinatrice d'Utopia 56 dans la ville. "Il y a des dizaines de camions de gendarmerie ici depuis ce matin. Je dirais qu'il y a plus de double du dispositif habituel".

Les migrants doivent être conduits dans des centres "où des places d’hébergements ont été identifiées dans le nord et d’autres régions", ont expliqué les autorités.

"Mise à l'abri forcée"

Selon Utopia 56, les migrants n'ont pas été prévenus en amont de cette expulsion. L'association déplore la destruction d’affaires personnelles, ce matin, et des mises à l’abri inadaptées. "C'est une mise à l'abri forcée puisque nous rencontrons des personnes qui nous disent ne pas vouloir s'éloigner du littoral", continue Anna. "Elles ne veulent pas aller dans des centres d'hébergement qui se trouvent loin".

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Près de 1 500 personnes, en majorité des Kurdes, vivaient dans le camp, situé sur une ancienne friche industrielle. "Il y a des familles, des enfants, des mineurs non accompagnés", détaille encore Anna. "Le camp grossissait, il s'était stabilisé ces derniers temps".

Utopia 56 affirme ne pas avoir eu de renseignements sur les centres d'hébergement qui vont accueillir les migrants. "On ne répond pas à nos questions, on ne nous dit rien", déclare encore Anna. "Tout ce que je sais, c'est que ce genre de coup de force ne marche pas. Les forces de l'ordre ont tout saisi, les tentes, les affaires. Les exilés n'ont plus rien. Ils reviendront quand même et ils prendront encore plus de risques pour aller en Angleterre".

"L'État les empêche de prendre la mer, l'État les empêche de rester ici"

Cette opération est menée à un moment de tensions diplomatiques entre Paris et Londres sur la question migratoire. Gérald Darmanin s’est d’ailleurs entretenu lundi 15 novembre avec son homologue britannique Priti Patel. Selon son entourage, ce démantèlement était "prévu à cette date indépendamment" des échanges entre Paris et Londres.

"Il faut trouver une solution pour ces gens-là d’autant que nous allons arriver en hiver. L’État les empêche de prendre la mer et l’État les empêche de rester ici, c’est un cercle vicieux", a plaidé de son côté Martial Bayaert, le maire de Grande-Synthe.

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Depuis des années, des migrants affluent sur le littoral des Hauts-de-France, dans des villes comme Grande-Synthe ou Calais, dans l’espoir de se rendre au Royaume-Uni, où ils pensent pouvoir trouver du travail. Les démantèlements successifs et quasi quotidiens de leurs campements ne les dissuadent pas de rester là.

La pression migratoire ne se relâche pas : selon le Royaume-Uni, 22 000 migrants ont réussi à rallier l’Angleterre à bord de petites embarcations depuis le début de l’année. Celles-ci se sont encore accrues vendredi dernier, après que le nombre de traversées illégales a atteint un record la veille avec 1 185 migrants ayant réussi à atteindre le sol du Royaume-Uni, qui a qualifié la situation "d’inacceptable". Le bilan humain s’élève à trois morts et quatre disparus.

 

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