Les conditions de vies dramatiques dans lesquelles vivent les migrants du nord de Paris favorisent la multiplication des cas de gale. Une maladie ancienne et très contagieuse contre laquelle se battent les associations.
Il y a quelques mois, InfoMigrants alertait sur une épidémie de tuberculose touchant principalement la population migrante. Aujourd’hui, les médecins qui opèrent près du centre humanitaire La Chapelle signalent un nombre important de cas de gale enregistré en seulement six mois.
La clinique mobile de Médecins sans frontières (MSF), située aux abords du centre La Chapelle, a recensé depuis décembre 134 cas de gale sur 1 300 consultations données. Quant au Samu Social qui gère le pôle santé du centre humanitaire, il en a compté 157 sur 3624 consultations depuis début novembre.
Ce n’est cependant pas un phénomène nouveau. "La gale existe depuis longtemps. On rencontre cette maladie chez les SDF mais aussi dans les hôpitaux ou les maisons de retraite", insiste Mondane Berthault, médecin généraliste qui travaille au sein de la clinique mobile de MSF.
"Ils se grattent jusqu’au sang"
La promiscuité et les conditions déplorables dans lesquelles vivent les migrants du nord de la capitale favorisent considérablement le développement de cette maladie. Car la gale, affection cutanée due à un parasite de la famille des acariens, est extrêmement contagieuse. "C’était prévisible", assure Mondane Berthault. De nombreux migrants dorment en effet dans la rue depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains, sans accès à des douches et à des vêtements de rechange. Ils partagent également leurs sacs de couchage et la saleté accumulée sous les ongles et sur les mains ont pour effet d’infecter les plaies déjà existantes.
Les personnes infectées souffrent de démangeaisons intenses. "C’est très invalidant : ils se grattent parfois jusqu’au sang. Et le soir, c’est encore pire", précise le médecin généraliste de MSF. Les zones touchées sont généralement le poignet, les plis entre les doigts des mains ou des pieds et au niveau des aisselles.
Cependant, des grattements persistants ne sont pas forcément dus à cette maladie. "Les conditions de vie de ces gens sont tellement désastreuses qu’on observe beaucoup de maladies de peau dont les symptômes ressemblent à ceux de la gale", signale Abdon Goudjo, directeur médical du Samu social de Paris. "Il s’agit notamment de cas de staphylocoques ou de mycoses par exemple".
La difficile prise en charge
Le traitement nécessite la prise d’un comprimé, deux fois, à plusieurs jours d’intervalle. Or la population migrante est en perpétuel mouvement. Le suivi semble donc difficile à mettre en place : s’il prenne le premier, il est souvent difficile de leur faire prendre le second. D’autant qu’"on ne guérit pas de la gale en restant dans la rue", prévient encore Abdon Goudjo. Le médicament n’est efficace qu’à condition de vivre dans un environnement propre et sain. En plus des comprimés, MSF distribue aux migrants à la rue un spray à dont ils doivent asperger leurs vêtements avant de les enfermer dans un sac plastique pendant plusieurs jours avant de pouvoir les réutiliser, et ce pour en éliminer toute trace de la maladie. "Mais le problème c’est qu’en attendant, ils n’ont pas de tenue de rechange donc ces consignes ne sont pas respectées", estime Mondane Berthault.
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À l’intérieur du centre humanitaire en revanche, les migrants peuvent être mieux suivis. Une douche médicalisée a été installée, le personnel change la literie et les vêtements, et des comprimés sont prescrits aux personnes infectées. De plus, des dermatologues sont présents dans l’enceinte du centre, ce qui permet une meilleure prise en charge, avec des traitements de soin de la peau ainsi que l’administration d’antihistaminiques qui calment les démangeaisons.
Mais pour Abdon Goudjo, "le problème ce n’est pas la gale. Il faut offrir à ces personnes un accueil décent avec des conditions d’hygiène correctes. C’est la base !", souffle-t-il. "L’État doit prendre ses responsabilités", avertit encore le directeur médical du Samu Social à Paris.
D’autant qu’avec l’arrivée des beaux jours, les traversées en Méditerranée vont se multiplier faisant craindre aux associations un engorgement dans les rues de la capitale.