Le jeune homme de 21 ans, originaire du Kurdistan irakien vit depuis 10 jours dans l’un des campements de Grande-Synthe, près de Calais. En quelques semaines de voyage à arpenter l’Europe, dans l’espoir de rejoindre son frère au Royaume-Uni, Harish s’est retrouvé au cœur de deux symboles de la crise migratoire. En Pologne et sur le littoral français.
"Je suis parti d’Irak avec ma famille en octobre dernier : mes parents et ma sœur de 17 ans. Nous sommes allés en avion jusqu’en Turquie, puis nous avons pris un vol pour Minsk. De là, nous avons rejoint la frontière. J’ai passé deux semaines dans la forêt en Biélorussie avant de pouvoir passer en Pologne. C’était très difficile.
J’ai payé 7 000 euros un passeur biélorusse pour tout le trajet, depuis la Biélorussie jusqu’en Allemagne. Quand je suis arrivé en Pologne, je ne me suis pas arrêté. Je suis tout de suite parti vers l’Allemagne avec l’aide d’une autre personne, elle aussi biélorusse.
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Mais je ne voulais pas rester en Allemagne. Mon plan a toujours été d’aller au Royaume-Uni parce que mon grand frère vit là-bas.
"La police ne veut pas qu'on reste"
Le reste de ma famille est encore en Biélorussie. Ils vivent dans l’un des hangars ouverts par les autorités. Ils n’ont pas franchi la frontière avec moi parce qu’il y avait beaucoup de marche à faire, c’était trop compliqué pour eux.
Soit j’arrive en Angleterre, soit je meurs
Je suis ici, à Grande-Synthe depuis 10 jours et j’ai déjà essayé de traverser la Manche trois fois. J’ai entendu parler des 27 personnes qui sont mortes mais je continuerai à essayer de passer. Ma vie, c’est du 50/50. Soit j’arrive en Angleterre, soit je meurs.
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Ici, tout le monde part en bateau. Les passages en camion sont trop chers. Normalement, si tu payes un bon prix pour la traversée, tu as un bon bateau mais bon...on ne sait jamais vraiment.
Je ne veux pas demander l’asile ici en France parce que je sais que, pendant ma demande, je n’aurai pas de logement, ni d’argent.
En France, les demandeurs d’asile doivent pouvoir bénéficier d’un hébergement durant la période d’examen de leur demande. Mais le nombre de places d’hébergement est limité et seul 50 % environ des demandeurs d’asile sont effectivement hébergés. En revanche, tous peuvent disposer de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), une aide financière versée chaque mois pendant l’examen du dossier et dont le montant est majoré si vous n’avez pas de place d’hébergement.
Et, de toute façon, la police ne veut pas qu’on reste. Une fois, j’étais dans les dunes avec d’autres personnes. Nous étions en train de préparer un bateau pour partir. Un policier nous a vus, il nous a donné une heure pour finir ce que nous faisions et nous a ensuite dit de partir."