Un soldat à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Crédit : Reuters
Un soldat à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Crédit : Reuters

La Commission européenne a proposé mercredi à la Pologne, la Lituanie et la Lettonie de prolonger temporairement de quatre à 16 semaines le délai d’examen des demandes d’asile des migrants arrivant via la Biélorussie. Ces États sont, depuis cet été, confrontés à un important flux migratoire venant du pays voisin. La Pologne a jugé la mesure "contre-productive".

Bruxelles envisage d’assouplir provisoirement les règles d’asile en Pologne, Lituanie et Lettonie, trois pays en première ligne face aux arrivées de migrants venant de la Biélorussie. La Commission veut permettre à ces trois États d'étendre la durée de traitement des demandes d’asile et de faciliter ainsi les expulsions des personnes déboutées.

Ces mesures prévoient de passer de 10 jours à quatre semaines la période pendant laquelle un migrant peut déposer l’asile dans un de ces pays. Elles donnent également la possibilité de porter à 16 semaines, contre quatre actuellement, le délai d’examen d’un dossier, appel inclus. Pendant cette période, les demandeurs sont détenus dans des centres à la frontière.

Ces procédures "simplifiées" visent à renvoyer plus facilement les migrants déboutés de leur demande de protection, et à donner de la "flexibilité" aux trois États confrontés à une situation "sans précédent" aux frontières de la Biélorussie, a déclaré la Commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson lors d’une conférence de presse.

Les mesures, qui doivent être validées par les Vingt-Sept avant son application, sont prévues pour une période de six mois.

"Nous sommes une famille[européenne]. Et quand l’un de nous est attaqué, nous sommes là pour lui", a expliqué le vice-président de la Commission, Margaritis Schinas. "Nous proposons une solution qui tient compte de tous les droits des personnes souhaitant demander l’asile dans des circonstances exceptionnelles", a-t-il ajouté.

La Pologne juge la proposition "contre-productive", les ONG dénoncent un "dangereux précédent"

Cette proposition ne convainc pourtant pas la Pologne, qui l’a jugée "contre-productive". Varsovie souhaite la renégocier. "La Commission a adopté une solution exactement opposée à celle que nous proposions. Nous proposions que la réponse à une attaque hybride soit la possibilité de suspendre les procédures d’asile, et non de les étendre", a déploré l’ambassadeur polonais auprès de l’UE, Andrzej Sados.

La décision de la Commission a aussi déclenché les critiques des ONG de défense des droits humains. "La situation aux frontières de l’UE est parfaitement gérable avec les règles actuelles", a estimé la directrice du bureau européen d’Amnesty international, Eve Geddie. Elle s’indigne que l’Union permette à des États membres de "jeter aux orties les règles pour quelques milliers de personnes à sa frontière".

Pour le responsable migration d’Oxfam, Erin McKay, "cette proposition affaiblit les droits fondamentaux des demandeurs d’asile, renforce l’Europe forteresse, et va à l’encontre de tout ce que l’UE devrait défendre".

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Catherine Woollard, directrice du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), un réseau d'ONG, a regretté un "dangereux précédent", notant aussi que des "États membres ont été autorisés à commettre des violations aux frontières en toute impunité et introduit des législations clairement en conflit avec le droit européen".

Les critiques sont aussi venues des députés européens sociaux-démocrates et écologistes. "La Commission a cédé à la pression de l'extrême droite du gouvernement polonais et au chantage du dictateur bélarusse, et piétiné les valeurs européennes", a fustigé l'élu français Damien Carême (Verts/ALE).

Depuis le début de l'année, 8 000 arrivées dans l'UE depuis la Biélorussie

Selon les derniers chiffres de la Commission, un peu moins de 8 000 migrants sont arrivés dans l’Union européenne via la Biélorussie cette année : 4 285 en Lituanie, 3 255 en Pologne et 426 en Lettonie.

Bruxelles accuse Minsk d’avoir organisé ces arrivées en délivrant des visas et en acheminant les exilés, originaires principalement du Moyen-Orient, aux frontières de la Pologne et de la Lituanie, pour se venger des sanctions européennes à son encontre.

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En réponse, Varsovie a construit une clôture de barbelés, massé des milliers de soldats le long de ses 400 km de frontière, et décrété depuis septembre un état d’urgence en interdisant l’accès à la région frontalière. Elle a aussi adopté un texte qui légalise la pratique des refoulements à la frontière et permet d’ignorer une demande d’asile formulée après un passage illégal.

La Lituanie a également commencé à construire un mur et a adopté une loi autorisant les autorités à renvoyer les migrants de l’autre côté de la frontière, et décrété l’état d’urgence.

 

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