Le Nobel de littérature Abdulrazak Gurnah, en octobre 2021. Crédit : Reuters
Le Nobel de littérature Abdulrazak Gurnah, en octobre 2021. Crédit : Reuters

Abdulrazak Gurnah, écrivain tanzanien installé en Angleterre, a reçu, le mois dernier, le prix Nobel de littérature. Il juge "inhumaines" les politiques migratoires française et britannique. "C'est assez étrange de voir le langage, le récit qui est construit contre ou au sujet de ces tentatives de traversées", a déclaré, mardi, l'auteur de 72 ans, lors d'une conférence de presse.

Le prix Nobel de Littérature 2021 Abdulrazak Gurnah a dénoncé, mardi 7 décembre, le caractère "inhumain" de la réponse des gouvernements britannique et français face au drame des migrants qui traversent la Manche.

"C'est assez étrange de voir le langage, le récit qui est construit contre, ou au sujet de ces tentatives de traversées", a déclaré, lors d'une conférence de presse, l'écrivain de 72 ans, récompensé pour ses récits sur l'immigration et la colonisation.

Au lendemain de la remise officielle de sa médaille par l'ambassadrice de Suède à Londres, le 7 octobre, il avait déjà fustigé la politique britannique. "Ces gens n'arrivent pas avec rien, ils arrivent avec leur jeunesse, leur énergie, leur potentiel", avait-il soutenu. "Le simple fait de rester sur l'idée : 'Ils sont là, ils viennent pour dérober quelque chose de notre prospérité' est inhumain".

Cette prise de position de l'écrivain, né à Zanzibar, en Tanzanie, et réfugié en Angleterre à la fin des années 1960, intervient au moment où le Parlement britannique est en train d'étudier une réforme controversée du droit d'asile. La colère d'Abdulrazak Gurnah se fait également entendre deux semaines après la mort de 27 personnes, mortes dans la Manche alors qu'elles tentaient de gagner les côtes anglaises, à bord d'une embarcation gonflable. Ce naufrage représente le pire drame migratoire jamais connu dans le détroit.

Durcissement de la politique migratoire britannique

Le Royaume-Uni ne cesse de durcir sa politique migratoire depuis plusieurs années. Le pays a annoncé en juillet qu'il allait augmenter à quatre ans, contre six mois actuellement, la peine de prison encourue par les migrants qui cherchent à rentrer illégalement sur le sol britannique.

Cette nouvelle disposition, annoncée par la ministre de l'Intérieur Priti Patel, s'inscrit dans le projet de loi de réforme du système d'asile, en vue d'être adopter par le Parlement. Présenté par Priti Patel comme "juste mais ferme", il vise à décourager l'immigration illégale et prévoit de différencier les migrants selon leur mode d'arrivée dans le pays : légalement ou illégalement.

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Parmi les autres mesures envisagées par la ministre figure le projet hautement controversé de repousser les embarcations vers les eaux françaises. Plusieurs associations se sont déjà dits prêtes à attaquer en justice le gouvernement si de telles mesures étaient adoptées.

Abdulrazak Gurnah est né en 1948 sur l’archipel de Zanzibar, alors colonie britannique de l’Océan Indien, proche de la côte sud-est de l’Afrique. Il quitte l'archipel en 1968, alors que l’île, libérée du joug britannique, connaît une violente révolution. Pour échapper aux persécutions qui frappent les citoyens d’origine arabe, il part étudier en Angleterre, à Londres, puis dans le Kent. Après avoir enseigné quelques années au Nigeria, il devient professeur de littérature à l'université du Kent, où il enseigne jusqu’à sa retraite. Il vit aujourd’hui à Brighton, sur la côte sud du Royaume-Uni.

 

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