Vingt-trois personnes comparaissent depuis mercredi matin devant le tribunal de Bruges, en Belgique, dans l'affaire du camion charnier où 39 migrants vietnamiens avaient été retrouvés morts, en 2019. Des peines allant de un à 15 ans ont été requises à l'encontre des accusés.
Deux ans après l’un des drames de l’immigration les plus poignants de ces dernières années, où 39 cadavres avaient été retrouvés dans un conteneur en Angleterre, le procès s’est ouvert mercredi 15 décembre en Belgique.
Vingt-trois personnes soupçonnées d’avoir pris part à ce trafic d’être humains sont jugées devant le tribunal de Bruges pendant deux jours.
Le camion charnier était parti du port belge de Zeebruges en direction de l'Angleterre, où a eu lieu la découverte des corps après une nuit de voyage, le 23 octobre 2019, dans la zone industrielle de Grays, à l'est de Londres.
L'accusation a établi qu'"au moins quinze" des 39 occupants du conteneur étaient partis la veille d'Anderlecht, commune limitrophe de Bruxelles où le réseau de trafiquants disposait d'une planque.
Le principal accusé encourt jusqu’à 15 ans de prison
Les victimes - 31 hommes et huit femmes, âgés de 15 à 44 ans - étaient toutes originaires du Vietnam. Elles sont mortes d'asphyxie et d'hyperthermie en raison de la chaleur et du manque d'oxygène dans l'espace confiné du conteneur.
Le principal accusé est un Vietnamien de 45 ans décrit comme "le chef de la cellule belge". Le tribunal a requis mercredi matin la peine maximale de 15 ans de prison contre cet homme, qui nie toute implication. Une quinzaine des 39 victimes auraient transité par deux logements bruxellois placés sous son autorité, selon la thèse du parquet fédéral.
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Les autres sont en général poursuivis pour "participation aux activités d'une organisation criminelle" pour avoir été mêlés à cette mafia spécialisée dans les passages clandestins vers l'Angleterre. Des peines allant d'un an à dix ans de prison ferme ont été requises à leur encontre.
La majorité des prévenus sont des Vietnamiens ou des Belges d'origine vietnamienne. Six sont de nationalité marocaine et l'un d'eux est d'origine arménienne.
"Dans cette organisation criminelle très bien rodée tout était mis en œuvre pour éviter d'être détecté", a déclaré la magistrate à l'ouverture du procès. "Au moins 130 transports" vers la Grande-Bretagne ont été réalisés par cette seule organisation, a-t-elle estimé.
Si le procès a débuté, l’enquête belge n’est pas pour autant close. Au moins deux suspects n’ont pas encore été interpellés, indique le parquet fédéral. Un autre, un Vietnamien mineur au moment des faits, doit par ailleurs faire l’objet d’une procédure distincte.
Des procédures judiciaires dans plusieurs pays
Au printemps 2020, à l'époque des arrestations menées conjointement en Belgique et en France (treize inculpations avaient été effectuées), les enquêteurs avaient établi que ce réseau transportait quotidiennement "plusieurs dizaines" d'exilés venant d'Asie du Sud-Est.
Pour l'accusation, les trafiquants établis en Belgique disposaient de connexions en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Certains prévenus auraient poursuivi leurs activités illégales après la tragédie.
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Ce drame avait suscité une émotion planétaire et entraîné des procédures judiciaires dans au moins quatre pays, dont la Belgique.
Au Royaume-Uni, sept personnes ont déjà été condamnées en janvier 2021 à des peines allant de trois à 27 ans de prison. Il s'agit notamment des hommes ayant organisé les rotations de chauffeurs pour acheminer les migrants.
L'un d'eux, Eamonn Harrison, un chauffeur routier nord-irlandais âgé d'une vingtaine d'années, a écopé de 18 ans de prison pour avoir convoyé la remorque sur le continent, jusqu'à Zeebruges. Il a assuré lors de son procès à Londres qu'il ignorait la présence à bord de migrants.
Au Vietnam cette fois, quatre hommes ont été condamnés en septembre 2020 à des peines de prison allant de deux ans et demi à sept ans et demi, et trois autres à des peines avec sursis.
Malgré le drame, les Vietnamiens cherchent toujours à rejoindre l’Angleterre
La découverte macabre de ces 39 migrants avait jeté une lumière crue sur les risques de l’exil via des filières clandestines, montrant aussi l’absence totale de scrupules de certains trafiquants.
Nombre des victimes étaient originaires d'une région pauvre du centre du Vietnam, où les familles s'endettent pour des milliers de dollars afin d'envoyer l'un des leurs au Royaume-Uni dans l'espoir d'une vie meilleure.
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Au Vietnam, cette tragédie avait marqué les esprits et fait la Une de tous les médias. Deux ans plus tard pourtant, les volontaires au départ sont plus nombreux que jamais, signale RFI.
"Beaucoup de gens considèrent que ce qui s’est passé est horrible, certes, mais qu’il s’agit d’un accident unique qui ne devrait pas se répéter. Ils pensent qu’essayer d’aller jusqu’au Royaume-Uni en vaut toujours le prix", explique à la radio internationale Michael Brosowski de l’ONG Blue Dragon à Hanoi.
On estime que chaque année, près de 18 000 Vietnamiens paient des trafiquants pour se rendre en Europe, certains déboursant jusqu’à 40 000 euros.