Un canot pneumatique utilisé pour les traversées de la Manche. Crédit : Préfecture de la Manche et de la Mer du Nord
Un canot pneumatique utilisé pour les traversées de la Manche. Crédit : Préfecture de la Manche et de la Mer du Nord

En quatre jours, de jeudi à dimanche, plus de 1 000 migrants sont parvenus à atteindre les côtes britanniques. Ces journées intenses en matière d'interceptions ou de sauvetages dans la Manche démontrent la continuité des traversées en canots malgré leur extrême dangerosité.

Plus de 270 personnes ont traversé la Manche pour arriver au Royaume-Uni sur la seule journée du dimanche 19 décembre, selon le Home office (équivalent du ministère de l'Intérieur britannique). Elles se trouvaient réparties à bord de 11 embarcations.

Elles étaient déjà plus de 900 personnes à avoir réussi à traverser la Manche, jeudi 16 et vendredi 17 décembre. Près de 30 embarcations avaient débarqué sur les côtes britanniques durant ces 48 heures.

De leur côté, les autorités françaises avaient intercepté 564 migrants sur le rivage, au cours de ces mêmes 48 heures, avant que ces derniers ne traversent la Manche. Dimanche, elles en ont intercepté 178, toujours selon les chiffres des autorités.

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En 2021, près de 28 000 personnes ont tenté cette traversée dangereuse sur des canots pneumatiques ; contre près de 8 000 en 2020. De janvier à fin novembre, la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord a recensé 1 281 événements (sauvetages, naufrages, interceptions...) liés à ces traversées vers le Royaume-Uni.

Durant cette période, les secours français affirment avoir porté assistance à 8 284 naufragés. Trente personnes sont décédées et quatre ont été portées disparues, selon les autorités. Le dernier drame date du 24 novembre lorsque 27 exilés sont morts en mer. Ce terrible naufrage a braqué une lumière crue sur les conditions des traversées.

Plainte pour "omission de porter secours"

Lundi 20 décembre, l'association Utopia 56 a déposé une plainte pour "homicide involontaire" et "omission de porter secours" suite à ce naufrage particulièrement meurtrier. Les responsables visés sont le préfet maritime de Manche et de la Mer du Nord Philippe Dutrieux, le directeur du Cross Gris Nez côté français, et la responsable des garde-côtes britanniques.

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L'association dénonce, dans un communiqué, les "lacunes, les négligences et les imprudences" des autorités françaises et britanniques. Elle se base sur les récits des survivants du naufrage, affirmant que des appels au secours avaient bien été transmis - mais sans succès. "Selon une source judiciaire, l’enquête en cours, dont est saisie la Junalco (Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée) aurait d’ores et déjà permis de confirmer l’existence de ces appels", signale le communiqué d'Utopia 56.

Des deux côtés de la Manche, cette version des faits est contredite. "Le centre opérationnel de surveillance et de sauvetage, le Cross, n'a eu connaissance de la situation que lors de l'appel passé par un pêcheur en milieu de journée", avait soutenu la préfecture maritime de la Manche. Le ministère britannique des Affaires étrangères avait quant à lui qualifié ces allégations de "complètement fausses".

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Ce n'est pas la première fois que la question des appels restés sans réponse se pose. Le 20 novembre, soit quatre jours avant le drame, à 9h23, l’équipe d’astreinte d’Utopia 56 a été contactée par une embarcation en détresse. D'après l'association, un exilé leur explique alors, dans un message vocal : "Si j’appelle le 999, ils disent d'appeler la France et quand on appelle la France ils nous disent de contacter le Royaume-Uni. Les deux se moquent de nous".

La plainte d'Utopia 56 intervient pour combler des angles mort du travail judiciaire en cours. "Les autorités du Royaume-Uni ne semblent avoir ouvert aucune enquête suite à ce naufrage", rappelle l'association ; tandis que "celle ouverte en France paraît se concentrer essentiellement sur le rôle des passeurs".

 

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