Selon des officiels serbes, un nombre grandissant de ressortissants indiens a tenté de rejoindre clandestinement l’Union européenne ces derniers mois.
Une centaine de migrants originaires d’Inde vivent actuellement dans un centre d'accueil de la ville serbe de Kikinda, proche des frontières avec la Hongrie et la Roumanie. Tous ont déjà tenté, en vain, d’entrer sur le territoire de l’Union européenne (UE).
De par sa proximité avec la Hongrie et la Roumanie, deux pays membre l’UE, Kikinda est devenue un carrefour pour de nombreux migrants.
"Nous disposons de 540 lits dans ce centre, et 550 personnes sont actuellement hébergées ici. On vient donc de dépasser nos capacités. Parmi ces personnes, 360 viennent du Bangladesh, et environ une centaine d’Inde", explique Andreja Marcenko, chargé des admissions.
Selon lui, "c’est une nouvelle tendance. Les Indiens arrivent seulement depuis quelques mois ici." Le camp, qui héberge uniquement des hommes, est géré par les autorités serbes avec le soutien de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés.
Le camp dispose d’un terrain de sport où l'on joue notamment au cricket.

"Maltraité" par la police
Harjinder Kumar, 39 ans, vient de l’Etat du Pendjab, au nord de l’Inde. Il est arrivé en Serbie il y a plusieurs mois et explique avoir accumulé des dettes après avoir contracté des crédits pour payer le traitement médical de sa mère.
"Je suis venu en Serbie en espérant rejoindre l’UE un jour. Une fois que j’y serai, je rembourserai tous mes crédits."
Harjinder Kumar a déjà essayé à plusieurs reprises de passer la frontière européenne, mais toutes ses tentatives ont pour l’instant échoué. Il dit se sentir coincé en Serbie après avoir payé près de 2 000 euros à un passeur. En attendant, il cuisine et vend du Biryani au poulet, un plat à base de riz et d’épices, aux autres migrants du camp. "Ça nous fait de l’argent de poche, à moi et à certains amis."
Bien que les migrants sont logés dans le bâtiment principal du centre, la plupart des Indiens sont hébergés sous une grande tente blanche érigée dans un coin du site. Aucun officiel n’a toutefois fourni d’explications à ce sujet.
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Jasbir Singh, 27 ans, raconte qu’il est venu en Serbie parce qu’il ne trouvait pas de travail en Inde. Il dit avoir payé près de 12 000 euros à des trafiquants.
Lui aussi est originaire du Pendjab indien. Il a déjà tenté de passer les frontières vers la Hongrie, la Roumanie et la Croatie. A chaque fois, il a fini par être intercepté par les polices des frontières ou par Frontex, l’agence européenne de protection des frontières.
Jasbir Singh affirme également avoir été maltraité par la police. "La police européenne ne nous respecte pas. Ils nous enlèvent même nos turbans pendant les contrôles et tirent avec violence sur nos barbes. Ils nous forcent également à nous nous déshabiller et à retourner à pied en Serbie malgré le froid extrême."
Depuis des années, de nombreux migrants ont accusé les forces de l’ordre croates, hongroises et roumaines de pratiquer ces refoulements violents.

Pourquoi la route des Balkans ?
En 2015 et 2016, des centaines de milliers de personnes fuyant pour la plupart les conflits au Moyen-Orient, sont passées par la Grèce, un État membre de l'UE, et ont poursuivi leur route à travers la Bosnie et la Serbie pour atteindre des pays comme l'Allemagne. Cette route migratoire est connue sous le nom de "route des Balkans".
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Depuis 2017, de nombreux migrants originaires du Bangladesh, du Pakistan et de l'Afghanistan, prennent cette même route pour essayer d'entrer dans l'Union européenne. Pour les citoyens indiens, la Serbie est une destination de choix, puisqu'ils y sont exemptés de visa.
"Depuis 2017, ils n’ont plus besoin d’un visa pour venir en Serbie pour des séjours de courte durée. Les Indiens prennent directement l’avion pour Belgrade. De là, ils tentent d’entrer dans un pays de l’UE", explique Andreja Marcenko.
Trouver du travail
Certains migrants indiens cherchent également à rejoindre la Grèce. Au début du mois, un groupe de 16 personnes a ainsi été arrêté par la police en Macédoine du Nord alors qu’elles tentaient d’enter sur le territoire grec.
D'autres, présents en Serbie, ont pour objectif d’entrer en Croatie depuis la Bosnie, la frontière entre la Serbie et la Bosnie étant, selon eux, plus simple à traverser.
Des dizaines de ressortissants indiens vivent ainsi à la frontière bosniaque dans le camp de migrants de Lipa, près de la ville de Bihac. Beaucoup disent être venus en Bosnie dans l'espoir de rejoindre l'UE pour des raisons économiques.
"J'ai franchi la frontière de l'UE et suis entré en Croatie deux fois le mois dernier", explique Vupindar, un migrant indien du camp de Lipa. "Ma tentative a échoué. La police croate m’a expulsé vers la Bosnie. Par contre, je n’ai pas versé d’argent à des trafiquants pour organiser mon voyage. J’utilise Google Maps pour y parvenir par mes propres moyens. Si j'avais un travail en Inde, je ne serais pas venu en Bosnie comme ça."
Auteur : Arafatul Islam
Source: dw.com