Une vidéo devenue virale au Danemark montre l'emploi de la force lors de l'expulsion d’une demandeuse d’asile kurde. Le gouvernement danois se défend en affirmant que la police a respecté la loi.
La vidéo de l'expulsion a été partagée la semaine dernière par Trampoline House, une ONG d’aide et de conseils aux migrants à Copenhague, la capitale danoise.
Sur les images, filmées devant le centre d'accueil pour demandeurs d’asile d’Avnstrup, à une heure de route de Copenhague, quatre individus immobilisent une femme au sol en la plaquant contre le trottoir et en lui attachant les mains.
Ce sont des habitants du centre qui ont fait parvenir la vidéo à Trampoline House.
"Injection de sédatif"
Selon l’ONG, qui cite des résidents, la police et l’Agence danoise des retours (Hjemrejsestyrelsen), chargée des expulsions au Danemark, sont venues chercher une mère de famille kurde d’origine iranienne et deux de ses trois enfants afin de l'expulser du pays. Trampoline House affirme que la femme a reçu "une injection de sédatif" lors de cet incident. Son plus jeune enfant, âgé d’un an, et le père peuvent pour le moment rester au Danemark.
Les autorités ont confirmé avoir eu recours à la force, indique le journal The Local. Elles nient en revanche l’administration de médicaments au cours de l’opération.
Selon le site d'information irakien Rudaw, la femme menacée d'expulsion s’appelle Qadam Kher Haqanizadeh. Son passeport iranien avait expiré. La famille vivait dans l’ouest de l’Irak avant d’arriver au Danemark en 2014 en affirmant que leur vie était en danger.
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L’Agence danoise des retours confirme que l’expulsion vers l’Iran a eu lieu dans la foulée de cet épisode.
Mais d’après Rudaw, qui cite un cousin de Qadam Kher Haqanizadeh, celle-ci aurait résisté lors de son transit à Istanbul, en Turquie. Elle aurait refusé de monter à bord de l’avion pour Téhéran et a donc été renvoyée avec ses deux enfants au Danemark.
Réaction de la classe politique
Trampoline House estime que le fait de diviser la famille constitue une violation du droit à la vie familiale garanti par la Cour européenne des droits de l'Homme. "Ce droit comprend le droit des parents d’avoir la garde de leurs enfants et de rester en contact avec eux et le droit des enfants d’être avec leurs parents", stipule le Conseil de l'Europe sur son site internet.
Cette expulsion musclée a indigné une partie de la classe politique. "Je n’arrive pas à imaginer le sort qui attend cette femme kurde expulsée de force", a écrit sur Twitter Sikandar Siddique, du parti des Verts au Danemark. "J'ai demandé un entretien à Mattias Tesfaye [le ministre danois de l’Immigration, ndlr] pour qu'il puisse expliquer si le gouvernement veut vraiment traiter les gens de cette façon."
La polémique a poussé d’autres partis politiques à convoquer le ministre de l’Immigration "pour des consultations sur le sujet". En réponse, Mattias Tesfaye a expliqué au journal Politiken que l’expulsion s’était déroulée selon les règles. Il rappelle qu'un demandeur d’asile débouté et en possession d’un document de voyage iranien peut être expulsé de force, que ce document soit encore valide ou non, et malgré l’absence d’un accord de réadmission entre le Danemark et l’Iran.
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"Si les gens ne partent pas volontairement, ils peuvent être expulsés de force. Tant que l'on fait preuve de retenue et que l'on ne se tourne pas vers la violence, c'est dans le cadre [légal]", a déclaré Niels Henrik Christensen, avocat spécialisé dans le droit d'asile et des réfugiés, à la chaîne de télévision danoise TV2. "La force est utilisée et [les autorités] ont ce droit. Rien dans la vidéo ne me surprend. Je ne dis pas cela pour défendre ce qui c’est passé, mais c'est autorisé."
La loi danoise autorise en effet le recours à la force physique lors des expulsions si un individu présente de la résistance lors de son expulsion. Cependant, la loi sur les étrangers (Ulændingeloven) indique qu'une expulsion doit se faire "dans le respect de la personne et sans recours inutile à la force".
Politique migratoire controversée
Selon la télévision publique iranienne Press TV, l'ambassadeur iranien au Danemark a demandé aux autorités danoises de présenter des excuses pour le "comportement inhumain" commis à l'encontre de la famille.
Copenhague est régulièrement critiqué pour ses lois strictes en matière d’immigration et d'asile. En juin 2021, le Parlement danois a par exemple adopté un texte qui prévoit de renvoyer des demandeurs d'asile dans des centres d’accueil situé hors de l’Union européenne (UE) pour y examiner leur dossier.
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En décembre, l'ancienne ministre danoise de l’Immigration a été condamnée pour avoir séparé des couples de réfugiés mariés. Enfin, le mois dernier, le gouvernement danois a demandé à des réfugiés syriens de retourner dans leur pays malgré la guerre qui y règne toujours. Human Rights Watch a réagi en appelant Copenhague à traiter de manière égale tous les réfugiés.