Le centre de Fylakio, en Grèce continentale. Crédit : InfoMigrants
Le centre de Fylakio, en Grèce continentale. Crédit : InfoMigrants

Depuis plusieurs mois, déposer un dossier de demande d’asile en Grèce est devenu un chemin de croix. Les migrants ne peuvent déposer leurs dossiers que dans les six centres d’enregistrement (RIC) du pays. Or cinq de ces six centres se trouvent sur les îles de la mer Égée (Lesbos, Chios…). Pour les exilés entrés via le continent, se faire régulariser est donc très difficile.

C’est une circulaire "compliquée" qui fait peu parler mais qui régit pourtant les procédures d'asile en Grèce. Parue le 24 novembre 2021, cette directive du gouvernement grec explique que tout migrant entré illégalement sur le sol grec doit s’enregistrer à la frontière dans des centres spécifiques avant de déposer un dossier d’asile. Et ces centres spécifiques, appelés RIC (Reception and identification center), se trouvent quasiment tous dans les îles de la mer Égée, non loin de la Turquie.

Autrement dit, les migrant entrés illégalement en Grèce devront se présenter sur les îles de Chios, Lesbos, Samos, Kos, Leros ou à Fylakio (le seul RIC se trouvant sur le continent, dans la région de l’Evros) s'ils veulent pouvoir se faire régulariser. Peu de demandeurs d'asile souhaitent se rendre des les RIC, des centres fermés, qui ont mauvaise réputation, et où les conditions de vie sont régulièrement dénoncées par les associations. À Fylakio, par exemple, les migrants n'ont tout simplement pas le droit de sortir du camp. Ils y sont détenus le temps du traitement de leur demande d'asile.

Auparavant, le système était différent : les exilés pouvaient prendre rendez-vous par Skype pour faire enregistrer leur demande d’asile quel que soit leur localisation. Ils avaient également accès à des bureaux d’asile régionaux et pouvaient ainsi continuer leurs démarches administratives. Certains déposaient leur dossier à Thessalonique, par exemple.


Les six RIC se trouvent dans la zone frontalière avec la Turquie. Crédit : Google map
Les six RIC se trouvent dans la zone frontalière avec la Turquie. Crédit : Google map


"Actuellement, des personnes ne peuvent pas faire enregistrer leur demande d'asile en Grèce"

Depuis la circulaire, ce n’est plus le cas. Il est devenu quasi-impossible de demander l'asile sur le continent. "En fait, tout est extrêmement compliqué. Le droit existe, mais l'accès au droit est infernal", confesse Lefteris Papagiannakis, directeur de l’ONG du Conseil grec pour les réfugiés en Grèce. "Personne ne parle de la circulaire. On sait juste que les procédures via Skype ne marchent plus, pour le reste…" Et pour le directeur de l’ONG, la situation ne cesse d'empirer. "Les bureaux de l’asile qui fonctionnaient déjà difficilement ne gèrent en ce moment que les déplacés ukrainiens. C’est devenu très compliqué de leur demander autre chose".

Seulement voilà, de nombreux migrants sans-papiers – et non ukrainiens - se trouvent sur le continent. Ils se reposent dans les grandes villes, comme à Athènes. C’est là que les choses se compliquent pour eux. "Il n’y a pas de RIC sur le continent pour s’enregistrer", détaille à son tour Stella Nannou, du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) en Grèce. "La situation reste problématique. Actuellement ces personnes ne peuvent pas faire enregistrer leur demande d'asile et ne reçoivent pas d'instructions et d'orientations claires sur la manière dont elles pourraient le faire en l'avenir".


Le centre pour demandeurs d'asile de Lesbos, en Grèce. Crédit : EPA/Vangelis Papantonis
Le centre pour demandeurs d'asile de Lesbos, en Grèce. Crédit : EPA/Vangelis Papantonis


"La réalité c’est que la plupart des personnes qui entrent en Grèce n’arrivent pas à déposer un dossier d’asile", abonde Corinne Linnecar, chargée de plaidoyer de l'association Mobile team info, qui vient en aide aux réfugiés.

Arrestations, pushbacks...

Que se passent-ils alors si ces migrants se font arrêter par la police sur le continent ? Sont-ils envoyés dans les RIC des îles de la mer Égée ? Là encore, rien n’est simple. Car pour calmer la colère des insulaires grecs, le gouvernement central a promis de décongestionner les îles de la pression migratoire et d’envoyer les migrants des îles davantage… vers le continent. Difficile dans ces conditions d’appliquer stricto sensu la circulaire du 24 novembre et de transférer les migrants vers Lesbos ou Samos.  "En fait, les procédures d'asile sont gérées de manière arbitraire", soupire Lefteris Papagiannakis.

Dans la plupart des arrestations, beaucoup font un court séjour en prison. "S'ils sont en situation irrégulière, ils peuvent être arrêtés et envoyés dans le centre de détention de Amygdaleza [dans la région d’Athènes] avant d’être relâchés quelques jours plus tard", explique Corinne Linnecar. "Ils peuvent aussi être maintenus en détention, ou bien refoulés vers la Turquie". Il arrive, en effet, selon l’association Border Violence, que des migrants soient arrêtés loin de la frontière gréco-turque, à Thessalonique par exemple, puis renvoyés vers Ankara.

Selon les ONG grecques, un peu plus de 28 000 demandeurs d’asile (enregistrés) vivent actuellement en Grèce. Parmi eux, la majorité sont originaires d’Afghanistan, du Pakistan et de Syrie.

 

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