Accord Rwanda-Royaume-Uni : Londres veut envoyer des demandeurs d'asile au Rwanda

Des demandeurs d'asile arrivant illégalement au Royaume-Uni via la Manche vont être envoyés au Rwanda, selon un accord controversé annoncé jeudi par Londres et Kigali. Le gouvernement de Boris Johnson espère ainsi dissuader les traversées illégales de la Manche qui ont atteint des records.

C'est un pas de plus vers une ligne dure de la politique migratoire britannique. Londres a signé un accord de 144 millions d’euros avec le Rwanda pour que Kigali accueille sur son sol des migrants de diverses nationalités arrivant du Royaume-Uni. L’annonce a été faite par le pays africain, jeudi 14 avril, à l'occasion d'une visite de la ministre anglaise de l'Intérieur, Priti Patel.

"Le Rwanda se réjouit de ce partenariat avec le Royaume-Uni pour accueillir des demandeurs d'asile et des migrants, et leur offrir des voies légales pour vivre" dans ce pays d'Afrique de l'Est, a déclaré dans un communiqué le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta.

Cet accord avec le Rwanda n’est pas étonnant. Priti Patel promet depuis des années d'externaliser le traitement des demandes d'asile vers des pays tiers, Londres avait essayé de négocier, en vain, avec l'Albanie et le Ghana. Le Parlement britannique doit maintenant se prononcer pour valider cet accord ainsi que plusieurs autres amendements concernant l'immigration.

Une fois au Rwanda, les réfugiés restent... au Rwanda

Concrètement, l’accord ne concernerait que des "jeunes hommes" arrivés illégalement sur le sol britannique. Ces derniers seraient envoyés par avion sur le territoire rwandais. Les migrants verraient alors leurs demandes d'asile traitées dans ce pays d'Afrique de l'Est et seraient encouragés à s'y installer. Il ne s'agirait donc plus seulement d'externaliser le traitement mais la demande en elle-même, puisque les migrants resteraient au Rwanda.

Selon le texte, en effet, le Rwanda assumerait la responsabilité de ces demandeurs d’asile, même s’ils obtiennent la protection. Pas question de les renvoyer ensuite vers Londres. Ils bénéficieraient d'un logement à long terme au Rwanda. Le gouvernement de Kigali a déclaré que les migrants auront "droit à une protection complète en vertu de la loi rwandaise, à un accès égal à l'emploi et à l'inscription aux services de santé et de protection sociale".

Ce plan est-il légal ? Selon le Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), cette loi contrevient à la Convention de Genève pour les réfugiés, qu'a signée le Royaume-Uni. À Londres, les travaillistes ont déclaré que le plan était "irréalisable, contraire à l'éthique et exorbitant" et inefficace.

Une politique migratoire dure depuis des années

Cela fait des années que Londres multiplie les tours de vis pour durcir ses lois migratoires. En juillet dernier, la ministre Priti Patel avait essayé de durcir les peines de prison contre les personnes qui entrent illégalement sur le sol anglais. Le parquet britannique avait finalement interdit de poursuivre les migrants arrivés par la Manche.

Elle souhaite aussi autoriser les garde-côtes à repousser hors des eaux britanniques les embarcations de migrants, ou encore durcir les conditions d’accès au regroupement familial et aux prestations sociales.

Le Royaume-Uni avait déjà pris des mesures drastiques concernant les mineurs non accompagnés, en mettant fin à l'amendement Dubs signé en mars 2016. Le texte était une sorte de "super protocole de transfert rapide et simplifié" pour les jeunes isolés qui souhaitaient venir en Angleterre.

Pour rappel, les traversées de la Manche ont explosé ces dernières années. Plus de 28 000 personnes ont traversé ce bras de mer entre la France et l'Angleterre en 2021, quatre fois plus qu’en 2020, selon les chiffres du Home Office. Et depuis janvier 2022, ils sont déjà plus de 4 000 à avoir atteint les côtes britanniques.

 

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