Des migrants secourus dans la Manche par les forces britanniques arrivent à Douvres, le 1er mai 2022. Crédit : Reuters
Des migrants secourus dans la Manche par les forces britanniques arrivent à Douvres, le 1er mai 2022. Crédit : Reuters

Plusieurs migrants arrivés récemment au Royaume-Uni ont été placés en centre de rétention, en vue d’être envoyés au Rwanda. Londres et Kigali ont passé un accord en avril pour que le pays d’Afrique de l’Est traite les demandes d’asile des personnes venues illégalement en Angleterre.

Le Royaume-Uni ne veut pas perdre de temps. Sans attendre les conclusions des actions en justice intentées par plusieurs associations, le gouvernement de Boris Johnson veut mettre son plan d’envoyer au Rwanda les migrants arrivés illégalement en Angleterre rapidement à exécution.

Selon la presse britannique, qui cite le Home office (équivalent anglais du ministère de l’Intérieur), les demandeurs d’asile sélectionnés pour être transférés à Kigali ont été placés en centre de détention. Les autorités refusent de communiquer sur le nombre de personnes concernées.

D’après le journal The Guardian, parmi les personnes retenues en vue de leur expulsion dans le petit pays d’Afrique de l’Est figurent un groupe de Soudanais ayant traversé la Manche le 9 mai en kayak, des Albanais et au moins un Afghan débarqué mi-mai au Royaume-Uni sur un canot.

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"Il semble que la politique d'expulsion du Rwanda de Priti Patel [la ministre de l'Intérieur, ndlr] soit utilisée comme justification pour détenir indéfiniment un nombre croissant de personnes traumatisées dans des établissements de type carcéral", a déploré Bella Sankey, directrice de Detention Action, interrogée par The Guardian. "Nous avons entendu des informations faisant état de personnes confuses quant à la raison de leur détention et totalement incapables d'accéder à des conseils juridiques", a-t-elle poursuivi.

Une centaine de migrants devraient être envoyés au Rwanda chaque année

Si les autorités avancent à marche forcée pour mener à bien leur projet, elles sont cependant contraintes par la justice de ralentir la cadence. Le Rwanda pensait devoir accueillir les premiers demandeurs d’asile fin mai, mais un tribunal anglais a exhorté le gouvernement britannique à attendre au moins le 6 juin pour effectuer les premières rotations à destination de Kigali, indique, sur Twitter, le journaliste britannique Simon Jones.

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En outre, comme l’a déclaré le ministre de la Justice Dominic Raab, cet accord ne "règlera pas tout le problème" des arrivées au Royaume-Uni. Seule une centaine de personnes seront envoyées chaque année au Rwanda, a précisé le ministre. Une goutte d’eau au regard des milliers de débarquements annuels. En 2021, 28 500 personnes ont traversé la Manche, et depuis janvier ils sont 9 000 à avoir atteint les côtes britanniques à bord d’embarcations de fortune. Force est de constater que le projet, visant à dissuader les traversées de la Manche selon le gouvernement, n'a pour l'heure pas atteint ses objectifs.

Le HCR fait, une nouvelle fois, part de ses "préoccupations"

Le 14 avril, Londres et Kigali ont signé un accord pour envoyer les demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni au Rwanda. Les migrants verront leurs dossiers traités dans le pays et devront s’y installer. Ils n’auront pas la possibilité de revenir en Angleterre, une fois leur demande d’asile acceptée.

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Ce projet a provoqué un tollé outre-Manche. Les défenseurs des droits ont jugé le partenariat entre les deux États "inhumain", "cruel" et "cynique", signalant que le Rwanda n’était pas un exemple en matière des droits de l’Homme.

Le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), qui avait déjà jugé le plan illégal au regard de la Convention de Genève signée par le Royaume-Uni, a, de nouveau, fait part de ses "préoccupations", le 19 mai dernier. Suite à une rencontre entre l’agence onusienne et la ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel, accompagnée du ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta, le Haut-commissaire Filippo Grandi a rappelé que "transférer les responsabilités en matière d’asile n’est pas la solution". "Le HCR continuera de proposer des alternatives concrètes qui respectent le droit international des réfugiés", a-t-il ajouté.

 

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