Les étrangers rencontraient de nombreuses difficultés pour obtenir ou renouveler leur titre de séjour. Crédit : DR
Les étrangers rencontraient de nombreuses difficultés pour obtenir ou renouveler leur titre de séjour. Crédit : DR

Le Conseil d’État a donné raison aux associations qui se plaignaient de la dématérialisation des démarches pour obtenir ou renouveler un titre de séjour. La plus haute juridiction administrative a annulé le décret pris en 2021 qui imposait aux étrangers de prendre rendez-vous en ligne. Elle demande désormais au gouvernement de prévoir une "solution de substitution" à cette pratique, à savoir rendre de nouveau accessibles les préfectures pour certains cas.

Les associations étaient vent debout depuis plusieurs mois. Elles ont obtenu vendredi 3 juin une importante victoire. Le Conseil d’État a annulé le décret du 24 mars 2021 et l’arrêté du 27 avril 2021 imposant aux étrangers de faire leurs démarches uniquement en ligne pour obtenir ou renouveler leur titre de séjour. La pratique avait été rendue officielle le 1er mai 2021, mais était déjà appliquée durant la pandémie de Covid-19, en 2020.

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La plus haute juridiction administrative avait été saisie au printemps 2021 par plusieurs associations et syndicats, dont la Cimade, la Ligue des droits de l’Homme ou le Syndicat des avocats de France (SAF), qui avaient alerté sur de nombreux dysfonctionnements. Le recours exclusif au téléservice a handicapé des milliers de personnes qui n'arrivaient pas à prendre rendez-vous sur Internet et à régulariser leur situation. Déposer un dossier ou renouveler un titre de séjour était devenu un véritable parcours du combattant.

Certains étrangers n’ont en effet pas accès à Internet ou ne maitrisent pas les outils numériques. D’autres, en raison de la saturation des sites, passent des jours et des nuits à essayer de trouver un créneau pour un rendez-vous, en vain.

Trouver une "solution de substitution"

Pour le Conseil d’État, "une telle obligation ne peut être imposée que si l’accès normal des usagers au service public et l’exercice effectif de leurs droits sont garantis". Les juges reconnaissent ainsi que cette pratique a engendré des difficultés pour bon nombre d’étrangers et a entrainé pour beaucoup un basculement dans la clandestinité ou encore la perte de leur droit au travail.

"Eu égard aux caractéristiques du public concerné, à la diversité et à la complexité des situations des demandeurs et aux conséquences" d’un blocage administratif sur les usagers, "il incombe au pouvoir réglementaire, lorsqu’il impose le recours à un téléservice pour l’obtention de certains titres de séjour, de prévoir (…) un accompagnement", écrit le Conseil d’État dans sa décision.

Les Sages exhortent les autorités à trouver une "solution de substitution pour le cas où certains demandeurs se heurteraient, malgré cet accompagnement, à l’impossibilité de recourir au téléservice pour des raisons tenant à la conception de cet outil ou à son mode de fonctionnement".

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Concrètement, la décision du Conseil d’État revient à demander au gouvernement de prévoir à nouveau un accès physique aux préfectures - pour certains cas.

"Atteintes aux droits"

La dématérialisation des titres de séjour a été critiquée par les associations mais aussi par des instances officielles, comme le Sénat. Dans un rapport sur l’immigration, la chambre haute est revenue sur les dysfonctionnements de ce système, notamment sur le nombre insuffisant de créneaux disponibles en ligne. "Il faut plus de personnel aux guichets afin de recevoir plus rapidement les personnes et mieux les accompagner dans leurs démarches. Sinon la machine se grippe et les gens deviennent sans-papiers, car les délais d’attente les poussent à être en situation irrégulière", avait déclaré à InfoMigrants le sénateur François-Noël Buffet, président de la commission des lois et rapporteur du document.

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Le Sénat avait également alerté sur le développement d’un marché parallèle de revente d’entretiens. "Des individus peu scrupuleux captent les rendez-vous disponibles afin de les revendre ensuite de façon parfaitement illégale aux étrangers, à des tarifs allant de 20 à 600 euros", pouvait-on lire dans le rapport.

Le Défenseur des droits de l’époque avait aussi sommé fin 2020 le ministère de l’Intérieur de réagir pour améliorer la situation avec des mesures concrètes. Il n’avait cependant pas été entendu par le gouvernement. C'est désormais chose faite.

 

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