Berlin va permettre aux migrants vivant depuis plus de cinq ans en Allemagne avec le statut de "Duldung", une résidence tolérée, d’obtenir un permis de séjour longue durée. Environ 130 000 personnes seraient concernées. Les associations d'aide aux étrangers saluent cette réforme.
Le gouvernement allemand a pris, mercredi 6 juillet, l'engagement de régulariser des dizaines de milliers de personnes immigrées bien intégrées dans le pays, mais sans permis de séjour durable jusqu'ici.
Environ 130 000 immigrés vivant en Allemagne depuis au moins cinq ans sont concernés. Nombre de ces demandeurs d'asile déboutés ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d'origine soit parce qu'ils ne peuvent pas prouver leur nationalité, soit parce que leur pays d'origine ne souhaite pas qu'ils reviennent.
Promesse de la coalition d'Olaf Scholz, ce projet de loi adopté en conseil des ministres est une réforme attendue par les organisations d'aide aux étrangers et le patronat confronté à un manque criant de main d'œuvre.
Le texte fait partie d'un ensemble de propositions en matière de migration qui pourraient être votées à la rentrée parlementaire, au début de l'automne.
Qui est éligible ?
Le projet de loi adopté en conseil des ministres s’adresse aux migrants qui se sont vus délivrer une "Duldung" par l'État allemand. La Duldung est une "résidence tolérée" et se traduit par une autorisation provisoire de séjour en Allemagne pour une période limitée. Elle est généralement délivrée en raison d'obstacles à l’expulsion d’une personne qui n’a pas obtenu de protection internationale. Ces obstacles peuvent être l’absence de papiers ou une maladie grave. L’obligation de quitter l’Allemagne reste toutefois maintenue.
Il existe différents types de Duldung. Le statut peut également s’appliquer à des femmes enceintes, ou encore à ceux qui suivent des études ou une formation.

Cette autorisation de séjour est valide que pour une courte période mais peut être renouvelée. Un migrant se voit ainsi souvent délivrer plusieurs Duldung. Certains vivent depuis plusieurs années en Allemagne avec ce statut, ont un travail, mais restent dans l’incertitude d’une éventuelle expulsion.
Le gouvernement allemand estime désormais que les personnes ayant passé plus de cinq ans en Allemagne avec une Duldung doivent pouvoir planifier leur vie à long terme dans le pays.
"Ces personnes, qui ont trouvé leur cadre de vie en Allemagne grâce à une longue durée de séjour, doivent se voir ouvrir une perspective (...)", explique le texte du ministère de l'Intérieur.
Intégration et indépendance financière
Elles pourront obtenir un permis de séjour d'un an, le temps de prouver notamment qu'elles peuvent se prendre en charge financièrement et disposent de connaissances suffisantes en allemand. À l'issue de cette période, elles pourront recevoir un titre de séjour définitif.
Le regroupement familial doit en outre être facilité, selon le projet gouvernemental qui devrait être soumis au parlement après l'été.
"Nous avons longtemps attendu un tel projet de loi (...) notamment parce qu'il offre une perspective à des personnes qui jusqu'ici vivaient sous la menace d'une expulsion éventuelle", s'est félicité Ulrich Schneider, qui conseille des réfugiés et migrants en matière d'emploi à l'organisation Caritas à Fribourg-en-Brisgau.
Les personnes ayant commis un crime ne sont en revanche pas éligibles au programme, tout comme celles qui ont décliné une fausse identité devant les autorités afin d'éviter leur expulsion.
Le regroupement familial doit en outre être facilité, selon le projet gouvernemental qui devrait être soumis au parlement après l'été.
La réforme prévoit aussi un accès simplifié des demandeurs d'asile aux cours d'intégration et de langue professionnelle. Quant aux réfugiés ayant terminé leur formation médicale mais dont la qualification professionnelle n'est pas encore reconnue en Allemagne, ils pourront plus facilement prodiguer des soins médicaux à d'autres personnes en quête de protection, par exemple dans les foyers pour demandeurs d'asile.
Une autre partie du projet de loi traite des expulsions, qui doivent être facilitées.
Critiques de l'opposition
Les partis d’opposition conservateurs de la CDU/CSU critiquent ce projet de loi. Le député Ralph Brinkhaus a dénoncé dans les colonnes de l’hebdomadaire Der Spiegel une politique qui viserait à faire croire à des personnes arrivées sans besoin de protection en Allemagne qu’elles pourront résider à long terme en Allemagne.

Alexander Thom, porte-parole de la CDU pour la politique intérieure, assure que ce projet de loi constitue une incitation supplémentaire pour ceux qui cherchent à entrer illégalement en Allemagne. Pour le député, la loi "se détourne des principes de gestion, de contrôle et de limitation de la migration". Alexander Thom parle d’un "faux signal" donné aux personnes qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier d'une protection internationale et qui ne ferait qu'encourager l'immigration clandestine.
En face, le gouvernement se défend en rappelant que des dizaines de milliers de migrants arrivés en Allemagne en 2015, et qui n'ont pas obtenu l'asile, sont maintenant bien intégrés dans le pays et ont du travail, alors que l’économie allemande souffre d’un manque énorme de main d’œuvre.