Pour endiguer la potentielle "vague de migrants" crainte en Europe, engendrée par les pénuries alimentaires, la ministre italienne de l'Intérieur Luciana Lamorguese a décidé d'augmenter les quotas nationaux d'immigration légale. Près de 75 000 permis de travail vont être octroyés aux exilés qui souhaitent venir dans le pays.
L’Italie desserre ses voies d’immigration légale. La semaine dernière, la ministre italienne de l'Intérieur, Luciana Lamorgese a annoncé que les quotas en la matière allaient être augmentés. "Soixante-quinze mille personnes seront autorisées à arriver en Italie pour y travailler" cette année, a-t-elle déclaré lors du Sommet Med5. L’évènement, organisé à Venise, réunissait l’Espagne, la Grèce, Malte, Chypre et l’Italie, autour du thème de l’intensification de la crise migratoire en Europe.
Une décision appuyée par ses homologues, dont Notis Mitarachi, ministre grec des Migrations et de l'Asile. "Tout en poursuivant la lutte contre l'immigration clandestine et les passeurs, nous sommes tout à fait favorables à la multiplication des voies légales d'immigration vers l'Europe. Nous ne pouvons pas laisser les trafiquants décider de qui peut venir et vivre en Europe", a-t-il déclaré.
Ces nouveaux quotas sont destinés à pallier le "manque de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité économique", a fait savoir la ministre italienne. Le 16 mai, le gouvernement avait déjà signé un accord dans ce sens. Conclu avec les partenaires sociaux du pays, il prévoit la formation et l’embauche de 3 000 migrants dans le secteur du bâtiment, qui compte 260 000 postes vacants.
Les personnes visées par ce protocole inédit sont les demandeurs d’asile et les réfugiés, mais aussi les mineurs non accompagnés en passe de devenir majeur et les anciens mineurs isolés pris en charge en Italie et ayant déjà atteint la majorité. Les candidats seront sélectionnés dans les centres d’accueil de tout le pays.
"Vague de migrants sans précédent"
Autre facteur motivé par la décision italienne : endiguer une potentielle "vague de migrants sans précédent", engendrée par la guerre en Ukraine. "L'inquiétude est celle d'une accélération des débarquements sur les côtes européennes de bateaux transportant des personnes en provenance d'Afrique", s'est émue Luciana Lamorgese. Le conflit fait en effet peser sur de nombreux États du continent, parmi les plus gros clients de Kiev et Moscou en matière de céréales, la menace d’une sévère crise alimentaire à venir.
Les pays du Maghreb sont par exemple très dépendants des deux pays belligérants. Avant l’offensive russe, l’Ukraine fournissait à l’Égypte 30% de ses importations de blé, le reste était assuré par la Russie. Dans le pays, déjà affaibli par une crise économique post pandémie aigüe, l’augmentation des prix des céréales font craindre de l’instabilité, et donc plus de départs en mer de jeunes Égyptiens désespérés, à la recherche d’une vie meilleure.
D’après le ministère italien de l’Intérieur, l’Égypte est d’ailleurs la première nationalité des migrants débarqués sur ses côtes. Soit 17% des personnes arrivées depuis le début de l’année, sur 20 028 au 3 juin 2022. Suit le Bangladesh, à 16% et la Tunisie à 12%.
>> À (re)lire : Au Maghreb, la guerre en Ukraine agite le spectre d'une crise alimentaire
Depuis sa nomination au ministère de l’Intérieur en septembre 2019, Luciana Lamorgese apparait, en comparaison à son prédécesseur d’extrême-droite Matteo Salvini, plus encline à l’accueil des migrants sur le sol italien. Elle a par exemple mis sur pied le décret-loi 130/20, un permis de séjour pour "protection spéciale" qui octroie des droits fondamentaux aux migrants qui le demandent. "Une forme de protection durable pour les étrangers qui se trouvent ou arrivent dans notre pays, même de manière irrégulière, et qui n'ont pas toutes les conditions pour obtenir la reconnaissance de la protection internationale", explique une étude de la Fondation Migrantes.
Malgré ses tentatives, la ministre reste tout de même "sous pression du gouvernement Draghi", expliquait, en décembre, Aldo Liga à InfoMigrants. D’après le chercheur, en Italie, "l'approche sécuritaire est toujours privilégiée dans le traitement des migrants. On a juste baissé d'un cran la répression". À Venise, outre l'ouverture des voies d'immigration légale, Luciana Lamorguese a également estimé qu’il était "urgent" de conclure davantage d’accords sur les "réadmissions" avec des pays d’origine et de transit des migrants.