Des migrants devant les locaux du HCR à Tunis, en mai 2022. Crédit : Tarek Guizani / InfoMigrants
Des migrants devant les locaux du HCR à Tunis, en mai 2022. Crédit : Tarek Guizani / InfoMigrants

Depuis deux mois, une centaine de personnes campaient devant les locaux du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés à Tunis pour réclamer leur évacuation du pays. Le mouvement de contestation avait débuté en février à Zarzis avant de se déplacer dans la capitale tunisienne. La plupart des migrants ont été relogés par l’agence onusienne en Tunisie, mettant fin au sit-in.

Les tentes, les bouts de cartons et les bâches ont disparu du trottoir qui longe les locaux du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) de Tunis. Samedi 18 juin, les derniers demandeurs d’asile qui dormaient depuis des semaines devant le siège de l’agence pour obtenir un logement pérenne ont quitté les lieux.

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Des agents municipaux sont venus nettoyer la rue dans la journée et ont demandé aux derniers protestataires de libérer la zone. "Les 50 personnes qui restaient ont accepté de partir mais l’un d’entre eux a refusé et s’est montré violent", raconte la porte-parole du HCR en Tunisie, contactée par InfoMigrants. La police est alors intervenue pour l’éloigner par la force. À part cet incident, "tout s’est bien passé", affirme encore la responsable.

"Agressions verbales et physiques"

Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) avance lui une toute autre version. "L’opération a été marquée par des actes d’évacuation forcée, des arrestations, des agressions verbales et physiques, et la dispersion de certains membres du groupe – dont des femmes et des mineurs - vers des lieux inconnus", écrit l’association dans un communiqué.

Selon le HCR, ce dernier groupe de 50 migrants ne faisait pas partie des premiers manifestants, en négociation depuis des mois avec l’agence onusienne. Ces exilés, dont la demande d’asile n’a pas encore été enregistrée - contrairement aux autres - se sont greffés aux contestataires ces dernières semaines. "On leur a demandé à plusieurs reprises de partir et de déposer leur dossier afin de traiter leur cas individuellement", explique Chiara Calvacanti. En vain.

Des conditions de vie précaires

La contestation avait débuté en février dernier dans la ville de Zarzis, au sud de la Tunisie. Environ 200 demandeurs d’asile avaient installé leurs bagages devant les locaux du HCR, après avoir été chassés de leur logement par l’agence onusienne qui disait ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins. "Une forte diminution de notre budget annuel, de l’ordre de 30 à 40%, nous oblige à revoir et donc à restreindre l’assistance financière et matérielle fournie aux demandeurs d’asiles et aux réfugiés", avait déclaré à l’époque Laurent Raguin, représentant adjoint du HCR en Tunisie.

Mais les exilés, pour la plupart originaires du Soudan, s’inquiétaient de ne pas trouver d’appartement et d’être contraints de vivre à la rue. Au sein du groupe se trouvaient de nombreuses femmes accompagnées de leurs enfants, parfois en bas âge. Malgré des documents en règle, les réfugiés en Tunisie se plaignent régulièrement de ne pouvoir vivre dignement dans cet État du Maghreb, confronté à une crise économique et politique.

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"Les réfugiés ne trouvent pas de logement et multiplient les emplois précaires dans le bâtiment ou l’agriculture, des secteurs dans lesquels les Tunisiens ne veulent pas travailler car c’est mal payé et les conditions y sont très mauvaises", expliquait à l’époque à InfoMigrants Romdhane Ben Amor, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).

Environ 200 personnes hébergées par le HCR

Las de voir leurs "revendications ignorées", d’après les mots du militant, les réfugiés ont décidé en avril de déplacer leur occupation dans la capitale, afin d’être plus visibles et donc mieux entendus.

Les exilés réclamaient également leur évacuation dans un pays tiers. Mais la réinstallation est un processus long qui ne concerne que très peu de personnes. En 2021, seuls 76 exilés ont pu bénéficier de ce dispositif.

Au total, depuis le début du conflit en février, environ 200 personnes ont été orientées vers des appartements financés par le HCR, indique l'agence.

Ceux restés sur le carreau sont bien décidés à continuer le mouvement. Ils ont organisé lundi une manifestation devant le siège de l’organisation à Tunis pour demander un hébergement. Mais les autorités leur interdisent de se réinstaller sur place, mettant en avant des questions sanitaires.

 

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