le jeune Syrien naturalisé Suédois Roony Bardghji est désormais l'une des plus grandes pépites du football mondial. Crédit : Sverige Football Association.
le jeune Syrien naturalisé Suédois Roony Bardghji est désormais l'une des plus grandes pépites du football mondial. Crédit : Sverige Football Association.

Après avoir fait la une des médias scandinaves suite à la signature de son premier contrat professionnel en 2021 à seulement 15 ans, le jeune Syrien naturalisé suédois Roony Bardghji est désormais l'une des plus grandes pépites du football mondial. Il crève l'écran sous le maillot de l'équipe championne du Danemark, le FC Copenhague. Portrait.

Leonel Messi, Cristiano Ronaldo, Sadio Mané. Les étoiles du football mondial attirent l'engouement des supporters du monde entier, qui rêvent d'avoir leur vie ou bien de décrocher la lune en perçant dans l'univers impitoyable de ce sport roi. Ce sport fait tourner les têtes mais met aussi en valeur des parcours de vie difficiles, et des histoires de réussite marquées par les sacrifices constants. C'est le cas pour le très jeune milieu de terrain de l'équipe championne du Danemark du FC Copenhague, Roony Bardghji.

Né à Koweït City en Novembre 2005, Roony est le plus jeune de la fratrie des Bardghji, originaire de Syrie. Fuyant la violence et la pauvreté sous le régime de Bachar al-Assad, sa famille s'est installée dans cet état pétrolier du Golfe Persique en 2003. "Mes parents n'en pouvaient plus de galérer financièrement mais aussi de vivre dans la peur d'un régime oppressif. Comme de nombreux de nos compatriotes, ils ont tout tenté pour quitter notre pays chéri afin de se donner à eux et à leurs enfants, un avenir meilleur", explique Roony à InfoMigrants.

Mais lors de l'arrivée dans l'Émirat connu pour son économie quasiment exclusivement basée sur les hydrocarbures, les Bardghji déchantent, et se retrouvent dans une situation trop fréquemment vécue par les immigrants (qui représentent quelques 90% de la population totale et dont les droits humains sont extrêmement limités par les lois locales) : l'exploitation. "On a tout simplement été pris en "otage" par nos patrons et les personnes qui nous avaient aidés à venir ici. C'était horrible, une terrible humiliation, quelque chose qui nous a fait tomber de haut", se souvient Amir, le père, qui insiste sur "le manque d'humanité" de certaines personnes, "mais nous devions continuer à nous battre et croire en une nouvelle opportunité, car c'était la seule solution".

"Il jouait au foot malgré la chaleur folle"

Le petit Roony naît un an et demi plus tard, et la famille se démène pour se trouver une porte de sortie. Elle tente de quitter le pays pour rejoindre l'Europe. Mais les patrons des parents Bardghji gardent leurs passeports, ce qui rend leurs projets encore plus compliqués. "On a vraiment passé des années difficiles, et on a poussé, poussé et encore poussé pour s'ouvrir une porte ailleurs", se remémore Amir. De ces années là, il se souvient toutefois : "Roony jouait au foot tout le temps malgré la chaleur folle, et je voyais qu'il avait déjà quelque chose de plus que les autres, mais je voulais qu'il vive sa vie d'enfant, avec tout ce qu'elle comporte d'innocence et de rêves". 

Après sept ans de contraintes et de galères dans la péninsule Arabique, le clan obtient enfin un sésame, avec la possibilité de se rendre en Suède, et bénéficier de l'asile politique dans le royaume Scandinave en 2012.

Toute la famille quitte le Koweït et part s'installer à Kalinge, une petite ville côtière du Sud-Est, et ses 4500 habitants. Une nouvelle étape dans la vie des Bardghji peut commencer, et le petit Roony va pouvoir continuer à écrire son histoire avec le football dans un contexte bien plus propice. "On savait que ce serait une chance unique, et on était prêt à traverser la planète pour se trouver dans une meilleure situation. Je ne remercierai jamais assez l'administration du pays d'avoir changé nos existences pour le meilleur. Roony était le plus heureux des enfants, et il m'a dit : "Papa, je vais me rapprocher de mon rêve de footballeur", sourit le père encore aujourd'hui. 

Surnommé le "poisson", enfant parce qu'il se faufile entre les défenseurs

Les Bardghji sont bien accueillis dans leur nouvelle ville, mais la famille se confronte à la barrière de la langue, et un choc énorme en termes de mode de vie et... de climat. "C'était un virage à 180 degrés par rapport à notre vie précédente, mais on a tout fait pour s'adapter de la meilleure manière possible, même si le temps, la neige et la pluie ont été quelque chose de compliqué au début ! ", rit encore Roony. Le petit est inscrit dans le club local pour se rapprocher d'autres enfants, et devient rapidement le centre d'attention des prés verts de la région. Il joue avec des enfants qui ont 3 ou 4 ans de plus que lui, et fait des miracles ballon au pied, avec des équipes de moins de 12 ans.


Crédit : Dansk Liga
Crédit : Dansk Liga


Le "bocal" devient rapidement trop petit pour le "poisson", comme il est surnommé dans la ville, car il se faufile entre les défenseurs sans difficultés, et Roony, à 11 ans, se voit recruté par le centre de formation de Rötebi, situé dans une ville bien plus grande que Kalinge, où il sera la terreur des surfaces de réparations durant un an. Là, le grand club de Malmö FF, véritable institution en Suède et qui a sorti de très nombreux talents de l'équipe nationale, comme la star passée par le Paris Saint Germain Zlatan Ibrahimovic, lui fait les yeux doux.

Roony, avec l'accord de ses parents, décide de rejoindre cette formation mythique. "C'est là que que je me suis approché un peu plus de mon rêve de devenir footballeur professionnel", se remémore-t-il. "Il y avait tout ce qu'il fallait pour bien progresser et je me suis mis encore plus à travailler sur mon jeu, et sur mon développement, sachant que j'étais bien plus jeune que les autres joueurs. Je ne voulais pas décevoir, je voulais montrer de quoi j'étais capable".

Premier contrat à 15 ans

Dans la formation des moins de 17 ans au maillot bleu ciel, il régale chaque weekend, mais la direction, en proie à des difficultés financières, décide de le vendre. À 14 ans, il débarque au Danemark avec sa famille, et intègre le FC Copenhague, le meilleur club Danois depuis plus d'une décennie. Sponsorisé par Carlsberg et Adidas, l'équipe est enthousiaste d'avoir désormais dans ses rangs le meilleur espoir du ballon rond de tout le Nord de l'Europe.

Ni une ni deux, quelques mois après son arrivée dans la capitale, il signe son premier contrat professionnel à seulement...15 ans ! Ce qui fait de lui le plus jeune joueur de l'histoire basé en Scandinavie à signer pro et à disputer ses premières minutes au plus haut niveau, à l'été 2021.

"Roony, c'est un gamin qui sent le football comme peu d'autres, il veut toujours apprendre et il est vraiment ambitieux, il s'est parfaitement intégré au groupe professionnel malgré son très jeune âge", cite Lukas Lerager, le capitaine de l'équipe. "Des fois, je me dis qu'à son âge j'étais seulement un adolescent qui était au centre de formation, qui jouait au jeux vidéos et qui allait au cinéma avec mes potes, et qui n'avait pas les préoccupations d'un adulte", sourit-il. "La manière dont il gère tout cela est vraiment exemplaire, il va aller très loin".

Le Real Madrid, le FC Barcelone, le Bayern Munich, Manchester City et Manchester United à l'affût

Lors de l'exercice 2021-2022, Bardghji a disputé 18 rencontres pour 3 buts et 2 passes décisives, et a acquis une qualification pour la prochaine édition de la Ligue des champions. "Je vais disputer une compétition où tous les meilleurs joueurs et toutes les meilleures équipes d'Europe seront au rendez-vous, c'est juste fou ! J'ai tellement hâte d'y être", s'enthousiasme-t-il.

Les formations qu'il risque de croiser lors de la plus grande coupe d'Europe sont déjà prévenus, et le connaissent déjà. Ainsi, les recruteurs de Manchester United, Manchester City, du Real Madrid, du FC Barcelone et du Bayern de Munich, entre autres, ont déjà approché l'entourage du joueur pour se renseigner sur un possible transfert à l'avenir vers l'un des mastodontes du football européen.

Mais malgré la réussite et une carrière qui démarre sur les chapeaux de roues, l'adolescent prodige est aussi très proche de sa famille et garde les pieds sur terre. Lui et toute sa famille ont obtenu la nationalité suédoise il y a deux ans, et il est déjà l'un des cadres de la sélection des moins de 21 ans du pays au drapeau jaune et bleu (avec 5 ans d'avance !). "J'arrive à vivre mon rêve de footballeur, et je sais que ce n'est que le début, mais je suis vraiment enthousiaste pour la suite, sur et en dehors des terrains", précise-t-il. Je donne beaucoup d'importance à l'impact que je peux avoir hors des terrains, et je m'inspire de joueurs comme Kylian Mbappé par exemple, qui est un exemple comme footballeur mais aussi comme acteur social"

Véritable phénomène et idole chez les jeunes Scandinaves et figure importante de la communauté syrienne de Suède, Bardghji veut aussi avoir une influence positive sur la jeunesse. "Qu'on soit enfant de migrant, ou un jeune né en Suède par exemple, je veux montrer que l'on est tous ensemble et que l'on veut contribuer à un monde meilleur. Je n'oublierai jamais mon parcours, mes origines et ce que je réalise dans ma vie. Je ne veux pas être qu'un simple footballeur, je veux être un citoyen qui aide les autres avec des projets sociaux et sportifs par exemple", conclut-il. Un discours rempli de maturité malgré la jeunesse de ce prodige du ballon rond.  

 

Et aussi